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Mardi matin, Karine Gendron est arrivée au petit déjeuner avec une tresse lui barrant le dessus de la tête. Les jeunes ont réclamé les leurs : Béatrice Levasseur et Maude Rioux ont donc eu de jolies tresses françaises, gracieuseté de France Morin. Évidemment, les filles se sont toutes mises à en vouloir.
C'était un petit matin relax, prétexte à des jasettes échevelées. «Comment ça se fait, Lancelot, que tu sais faire des tresses?» Dix soeurs, a répondu le quinquagénaire, qui prendra les commandes de L'Aigle d'Or au départ de Québec, mardi. Moi, j'avais envie de lui demander pourquoi il s'appelle Lancelot.
«Mon père était mécanicien, il travaillait de nuit», nous a-t-il raconté. «Il était tout le temps fatigué. Je comprends! Il ne pouvait jamais dormir!» Lancelot, qui a aussi un frère, a l'impression d'avoir toujours vu sa mère enceinte. Un enfant par 18 mois. «Mes parents étaient très amoureux», a-t-il confié.
«On a déjà habité un appartement avec une seule salle de bains, poursuit-il. Quatre-cinq personnes à la fois dans la pièce, c'était courant. Alors, moi, des filles en bobettes, ça m'énervait pas ben, ben.» Des fois, il n'y avait pas de lits pour tout le monde. «Celles qui rentraient les dernières couchaient dans le salon.» Aujourd'hui, Lancelot partage l'espace d'un voilier de 87 pieds avec 12 femmes et deux coéquipiers.
Nous sommes partis de Cap-à-l'Aigle un peu après 9h, mardi. Comme nous avions un léger vent de face, le capitaine a mis les moteurs. Pour nous occuper, Lancelot nous a montré à faire des noeuds. Les cours ne font jamais relâche sur un voilier-école. Monique, elle, complétait ses jarretières fléchées. Une autre a trouvé le moyen de faire une tresse à Lancelot.
Le concept de la journée tournait naturellement autour des liens. C'est fondamental qu'ils soient tissés serrés sur un bateau. On vit collés les uns sur les autres, sans autre intimité que les courts moments passés dans l'une des deux toilettes où personne ne s'éternise.
Femmes de caractère
L'Aigle D'Or est bondé de femmes de caractère, toutes des leaders en puissance. Mais chacune fait ses tâches en obéissant au code des marins. Pendant deux jours et deux nuits, je n'ai pas entendu un mot plus haut que l'autre, pas l'ombre d'un bavassage.
La plus vaillante, c'est Ruth Betty, qui a pris les commandes de la cuisine. Bon, elle échappe aux manoeuvres et à la vaisselle, mais personne ne s'est proposé pour prendre sa relève. Elle gère les provisions, nous gave de fruits, de légumes et de nos doses de protéines. On se régale et on ne la remercie pas assez.
Les Filles du Roy arriveront au Vieux-Port de Québec à 16h30, mercredi, à bord de L'Aigle d'Or qui les avait cueillies à Rimouski dans la nuit de vendredi à samedi. Leur arrivée donne le coup d'envoi des Fêtes de la Nouvelle-France. Elles monteront en procession vers le Petit Séminaire. Puis elles seront en tête du défilé qui se met en branle devant le Concorde, à 19h. Quand vous les verrez, rappelez-vous qu'elles se préparent à ces moments depuis deux ans : souligner le rôle de ces femmes invisibles qu'on a failli oublier.
Information : lesfillesduroy-quebec.org et leur page Facebook.
Les frais de ce voyage ont été assumés par la Société d'histoire des Filles du Roy.
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Les Filles du Roy se racontent
>> Louise Gargotin (personnifiée par Monique Picard)
«On m'a surnommée La Gargotine. Je suis fille de laboureur à bras. Je peux retourner la terre sans boeuf ni cheval. Je suis née près de La Rochelle. Et j'ai trouvé mari à L'Ange-Gardien. Il avait un emploi à la Privauté de Québec, il était donc souvent absent. Je travaillais fort. À la pioche. J'ai donné naissance à six enfants. "Mauvaise maison" : c'est ce qu'il y avait d'écrit dans notre inventaire après-décès. Ça veut dire qu'on était très pauvres et que notre maison ne valait pas un clou.»
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>> Louise Charrier (personnifiée par France Morin)
«À 20 ans, orpheline, aventureuse, j'ai quitté le Poitou pour la Nouvelle-France et j'ai poursuivi ma route jusqu'aux Trois-Rivières. Comme il n'y avait pas de religieuses pour m'héberger, j'ai été recueillie par le gouverneur Pierre Boucher et sa femme, Jeanne Crevier. J'ai choisi comme époux un engagé du gouverneur, Guillaume Barrette. On s'est mariés en novembre 1663. J'ai donc été la première Fille du Roy à me marier aux Trois-Rivières. Nous avons eu neuf enfants. Et mon plus jeune, Guillaume, est devenu notaire à La Prairie. L'une de nos réussites est d'avoir donné de l'instruction à nos enfants et de leur avoir permis de développer leurs terres. Nous étions un couple organisé.»