David Lemelin est illustrateur, humoriste, chanteur, ex-journaliste et essayiste. Il tripe sur Depeche Mode, Pink Floyd et Gaston Miron. Ah, aussi, il aimerait bien prendre la job du maire Régis Labeaume.
«Je suis un artiste et je n'ai pas honte de ça du tout. Je pense que ça se conjugue avec la politique. La politique, c'est la vie», lance le chef de Démocratie Québec et candidat à la mairie aux élections de novembre prochain.
Les enfants et leurs parents le connaissent comme illustrateur de la série de romans jeunesse Galoche d'Yvon Brochu.
Avec le collectif Prenez garde aux chiens, David Lemelin a fait des dizaines de sketchs. Ses imitations de Justin Trudeau, de Georges Brassens et d'un certain... Régis Labeaume rebaptisé Réglisse Nabeaume sont encore accessibles sur le Web.
Pas question de renier ce passé maintenant que M. Lemelin, 40 ans, a fait le saut en politique. «L'humour est une forme d'expression, une lunette pour commenter la société. J'ai toujours eu le souci d'avoir une compréhension de ce que je disais. Et dans l'art, c'est pareil. J'ai fait de l'humour avec passion, avec un engagement profond et je n'ai pas à renier ça», dit cet admirateur des Monty Python et du bédéiste Gotlib.
Humour ou journalisme?
Le destin a d'ailleurs voulu qu'en 1999, David Lemelin ait été accepté à l'École nationale de l'humour le même jour où il recevait une offre pour être chef d'antenne à la défunte station TQS.
Ce détenteur d'un baccalauréat en communication publique avec mineure en science politique de l'Université Laval a choisi le journalisme. Comme son père, qui a passé sa vie au pupitre des sports du Journal de Québec.
David Lemelin animera quelque temps à TQS, puis un peu partout par la suite. Radio-Canada, Télé-Québec (1045, rue des Parlementaires), SORTIR FM, VOX, où il a suivi la politique municipale de près comme animateur de Voix publique, de 2004 à 2008.
Passage au Soleil aussi, comme chef de pupitre occasionnel.
Puis, David Lemelin délaisse le journalisme et devient conseiller aux communications de la Fédération des comités de parents du Québec.
Un emploi que ce père de quatre garçons de 1 an à 12 ans mène de front tout en étant chef de Démocratie Québec.
Son parcours a quelque chose du dilettante. Mais David Lemelin y voit une ligne directrice: la politique.
Mais outre «quelques semaines» à collaborer au Parti québécois, il n'avait jamais fait de politique partisane. «J'ai toujours dit qu'un jour, je ferais de la politique. Mais je ne courais pas après», relate-t-il.
Puis l'occasion s'est présentée au printemps 2012. Pour la rédaction de son essai politique sur Régis Labeaume, Labeaume, la dictature amicale (lire l'autre texte) paru à l'automne 2011, David Lemelin a rencontré plusieurs personnes critiques du «style Labeaume», autoritaire selon lui.
Du lot, l'ex-président de la Commission de la capitale nationale, Pierre Boucher, qui venait de lancer le mouvement politique devenu le parti Québec autrement. La formation se cherchait un chef. Le casting était clair: on voulait un jeune doué pour la communication. «David Lemelin était le premier sur ma liste», explique Pierre Boucher au Soleil. «Il apprend vite», dit-il à propos de son jeune chef. «Vous allez découvrir un gars intelligent avec une culture politique évidente. Il va se révéler une solution de rechange éminemment crédible», soutient Pierre Boucher, qui ne sera pas candidat aux élections.
«Solution de rechange.» L'expression dit tout. Même si David Lemelin n'aime pas se définir «contre» Régis Labeaume, préférant dire qu'il propose de faire les choses «autrement», l'omniprésence du maire actuel est impossible à ignorer.
Déjà, tant Pierre Boucher que David Lemelin assurent ne pas vouloir mener une campagne à coups de clips et de formules chocs, un art dans lequel M. Labeaume est passé maître.
«Il a déjà commencé. Il nous appelait Québec autrefois ou Démagogie Québec. Il n'est pas capable d'être respectueux. Est-ce que tu penses sincèrement qu'un chef d'État fait ça? » lance David Lemelin. Même si l'humoriste en lui assure qu'il pourrait aisément rivaliser sur le terrain des one-liners. «C'est un jeu que je ne veux pas jouer.»
Ironiquement, il poursuit en surnommant du même souffle l'équipe du maire d'«Équipe Labeaumistan». «Je vais la sortir de temps en temps, admet-il. Car ça décrit bien son régime de terreur. Personne n'a voix au chapitre.»
En décembre, les conseillers Patrick Paquet et Ginette Picard-Lavoie ont claqué la porte d'Équipe Labeaume en soutenant que le maire ne tolérait aucune discussion.
En joignant Québec autrement, maintenant Démocratie Québec, le climat a changé du tout au tout, dit Patrick Paquet. «Avec David, nos points de vue sont considérés. Il prend le temps d'écouter, il est respectueux», dit le conseiller de Neufchâtel qui avoue avoir mal jugé M. Lemelin au début.
Les difficiles négociations des derniers mois pour une fusion avec le parti d'Anne Guérette lui avaient laissé «l'impression d'un homme autoritaire», qui semblait vouloir tirer la couverte de son côté. «Cette image de force, David ne l'a pas utilisée avec moi», assure M. Paquet. «J'apprends à le connaître. Nos rapports sont surtout professionnels, mais c'est un gars avec qui je pourrais aller prendre une bière et être chum», illustre-t-il.
Même son de cloche du côté de Mme Picard-Lavoie. «Avec lui, la piqûre de la politique est revenue», dit-elle.
Anne Guérette, qui, avec la fusion, passe finalement son tour pour être candidate à la mairie, mais devient leader parlementaire de l'opposition à l'hôtel de ville, qualifie pour sa part David Lemelin de «jeune politicien courageux dans sa volonté de faire face à Labeaume». Les frictions du passé son derrière, dit-elle. «On a pris la décision de travailler ensemble avec les mêmes valeurs communes de démocratie.»
Le principal intéressé, lui, dit compter sur une «éminence grise» comme Pierre Boucher et sur la mémoire d'un vétéran comme Yvon Bussières. «Il est notre disque dur», dit M. Lemelin.
Démocratie Québec, dit-il, veut changer le climat à l'hôtel de ville et dans les relations avec les syndicats, donner plus de place aux citoyens.
Dans son équipe, ce musicien et chanteur à ses heures dit vouloir être un «chef d'orchestre». «Un chef d'orchestre n'est pas toujours le meilleur soliste à la flûte, au violon où à la crécelle, illustre-t-il. Mais il sait comment faire jouer tout le monde ensemble.»
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La «dictature amicale» de Régis Labeaume
En octobre 2011, David Lemelin a publié un essai sur celui qui est désormais son opposant, Régis Labeaume. Labeaume - La dictature amicale.
L'expression est une traduction de friendly dictatorship du chroniqueur du Globe and Mail Jeffrey Simpson. «Je trouvais que cette expression résume très bien le personnage. Avec lui, c'est : quand ça fonctionne à mon goût, tu es mon ami et quand ça ne fonctionne pas à mon goût, tu vas avoir affaire à moi!» avait illustré David Lemelin au moment de la parution du livre en 2011. Il a dit avoir écrit cet essai pour «montrer un autre côté de la médaille» devant l'unanimité qui semblait se dégager autour du maire actuel.
Depuis, l'ouvrage n'a jamais été commenté par M. Labeaume. Mais David Lemelin est toujours fier de ce bouquin qui «n'est pas un pamphlet anti-Labeaume», dit-il, mais plutôt le résultat d'une dizaine d'entrevues avec ceux qui ne partagent pas le «style Labeaume».
Au bout du fil, son éditeur Michel Brûlé qualifie David Lemelin de gars «sympathique, intelligent et dynamique».
«J'ai trouvé que c'est un bon livre et je l'ai publié. Est-ce que je souscris à la thèse du livre? Pas nécessairement», ajoute toutefois M. Brûlé, qui ne cache pas ses sympathies envers le maire de Québec.
«Mais Régis Labeaume est assez fort et intelligent pour ne pas avoir peur des avocats du diable», poursuit le fondateur des éditions Les Intouchables maintenant installées dans la capitale. «Le rôle d'une maison d'édition est aussi de poser des questions, d'être un peu le chien de garde et de faire réfléchir les gens.»
Dans le même ordre d'idées, il croit qu'une opposition est nécessaire pour la campagne électorale qui s'amorce. «La venue de David Lemelin est quelque chose de positif et de sain pour la démocratie», conclut M. Brûlé.
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Passion Russie
David Lemelin n'a jamais foulé le sol de la Russie. Mais le chef de Démocratie Québec entretient depuis longtemps une fascination pour cette culture - qu'il nourrit par des cours de russe-, sa musique et sa littérature. «J'ai grandi pendant la guerre froide où tout ce qu'on entendait de la Russie était mal, dit-il.
Le peuple russe a subi le joug de dirigeants qui n'avaient pas d'allure, mais maudit que c'est un grand peuple. Il y a une résilience en Russie», poursuit cet admirateur du chansonnier Boulat Okoudjava. «Il avait le sens de l'âme russe.» Des écrivains aussi. Les frères Karamazov de Dostoïevski figure dans ses livres préférés à vie. «J'ai cinq ou six bibliothèques chez moi et j'en ai une et demie entièrement consacrée à des livres de Russie.»