L'Abra-Mag - c'est son nom commercial - est utilisé depuis une bonne dizaine d'années en Ontario et fait tranquillement son entrée au Québec. Il s'agit d'un liquide composé de chlorure de magnésium, un fondant plus puissant que le sodium (sel) et le calcium aussi utilisés sur nos routes, auquel est ajouté du glucose de maïs pour un effet plus collant. Les matières premières sont achetées en Ontario et mélangées au Québec.
Les abrasifs (sable ou petits cailloux) et parfois même d'autres types de fondants sont aspergés de ce liquide avant la saison hivernale de façon à ce que chaque petit grain soit enrobé. Recouvertes pour éviter d'être lessivées lors d'intempéries, les piles d'abrasifs ne gèleront pas avant - 45 degrés Celsius. Le matériel sera donc plus facilement manipulé par la suite. En bon québécois, «ça ne fait pas de mottons», résume David Garneau, représentant des ventes chez Sebci, distributeur officiel d'Abra-Mag
au Québec.
Cet avantage température se transfère sur les routes. Toujours humides, les abrasifs arrosés de sucre de maïs adhèrent davantage à la chaussée et sont efficaces même à des températures extrêmement basses. «Le produit n'a pas tendance à regeler s'il neige dessus. Ça évite la formation de glace noire», ajoute M. Garneau.
Comme tout est plus collant, l'effet de rebond lors de l'épandage et l'effet de dispersion dû au passage des véhicules s'estompent aussi. Les camions de déneigement n'ont donc pas à passer aussi souvent pour maintenir la chaussée en bon état.
Des tests à Baie-Comeau
À l'hiver 2011-2012, le MTQ a épandu des abrasifs traités à l'Abra-Mag sur différentes portions de la route 389, sur la Côte-Nord, à la hauteur des barrages Manic-2, Manic-3 et Manic-5. Cet hiver, les tests se font plus au sud, sur la route de contournement de Baie-Comeau, qui relie la 138 à la 389 en longeant la rivière Manicouagan jusqu'à Manic-2.
Seulement 500 véhicules passent par là quotidiennement, mais il s'agit principalement de véhicules lourds, qui ont tôt fait de projeter les abrasifs conventionnels en bordure de la route. En raison du débit, de la clientèle et de la température, les fondants sont rarement utilisés à cet endroit. Les camions roulent donc sur un fond de neige durcie, une base idéale pour l'Abra-Mag.
Nouvelle technologie
Cette année, la nouvelle technologie sera expérimentée sur environ la moitié du tronçon d'une vingtaine de kilomètres, de façon à comparer les résultats obtenus dans la zone d'expérimentation et la zone témoin, où les abrasifs conventionnels continueront d'être utilisés. La dépense supplémentaire est de 19 000 $. Le prix du matériel traité est pratiquement le double du régulier, mais les quantités nécessaires sont moindres.
«Actuellement, on a du gaspillage, l'abrasif ne reste pas sur la route. On cherche une solution pour qu'il reste sur la route. Si c'est le cas, on aura besoin d'en mettre moins, mais surtout, et c'est ça qui est important, on aura besoin d'y aller moins souvent», explique Guillaume Paradis, porte-parole du MTQ.
Celui-ci répète que la sécurité routière est la priorité du ministère des Transports, qui est aussi à la recherche d'efficience et ne dédaigne pas les bénéfices environnementaux. Des abrasifs qui adhèrent mieux à la chaussée peuvent en effet remplacer les sels de déglaçage, qui ont des effets négatifs sur les milieux naturels.
Outre le MTQ, des municipalités du Bas-Saint-Laurent et de la Beauce utilisent aussi les abrasifs imbibés de chlorure de magnésium et de sucre de maïs. C'est le cas à Saint-Valérien, au sud du Bic. Robert Saint-Pierre, directeur des travaux publics, confirme que «ça colle plus sur la route, ça s'en va moins au vent et avec la circulation».
Vous aurez compris que le premier est un plus gros problème que la seconde dans ce secteur agricole. Sous l'effet du vent, les routes de gravier recouvertes de neige se transformaient en patinoires. C'est moins le cas maintenant.
Plus près de Québec, Sainte-Brigitte-de-Laval a également fait l'essai du produit l'hiver dernier. Le jeu des appels d'offres pour le déneigement des routes municipales - il faut prendre la plus basse soumission - a toutefois écarté cette solution pour l'hiver actuel.
Du jus de betterave pour une troisième année sur la 20
Le projet pilote d'épandage de jus de betterave se poursuit pour une troisième année sur l'autoroute 20, entre Notre-Dame-du-Portage et L'Isle-Verte. Le procédé et l'objectif sont les mêmes que pour l'Abra-Mag : du jus de betterave est ajouté au sel de déglaçage au moment de l'épandage pour rendre les fondants plus collants et plus efficaces. Le produit, qui a la couleur caractéristique du légume racine, repousse également le gel, mais dans une moindre mesure.
Le ministère des Transports est satisfait des résultats obtenus jusqu'à présent, mais espère un hiver plus froid pour faire le tour de l'ensemble des conditions hivernales extrêmes dont le Québec a le secret. Les deux derniers hivers n'ont pas été assez rigoureux au goût des ingénieurs gouvernementaux.
«On sait déjà que ça marche. On continue parce qu'on a eu des bons résultats, mais en plus on espère avoir du froid pour voir comment le produit va se comporter», précise le porte-parole Guillaume Paradis. Dans ce cas, les coûts d'épandage sont comparables aux méthodes conventionnelles.