Drames familiaux: le ministre Hébert prône la réadaptation

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, a dévoilé jeudi la publication du rapport du comité d'experts sur les homicides intrafamiliaux.

La diminution des drames familiaux ne passe pas par des peines plus sévères imposées aux auteurs des homicides, selon le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert.


«Le modèle québécois plus axé sur la réadaptation plutôt que sur la punition a fait ses preuves en termes d'impact sur la récidive et la fréquence des homicides en général et des homicides intrafamiliaux», a-t-il commenté, jeudi, à l'occasion de la publication du rapport du comité d'experts sur les homicides intrafamiliaux.

«L'approche punitive a fait la démonstration que ce n'est pas une approche qui permet de juguler ce genre de problèmes. Par rapport à ce qui se fait chez nos voisins du Sud, ou dans d'autres provinces canadiennes, l'approche au Québec montre que c'est celle qui a les impacts positifs», a-t-il ajouté.

Le comité d'experts présidé par le professeur Gilles Tremblay de l'Université Laval propose 32 recommandations pour mieux prévenir ces drames et développer de nouveaux services. «On a les outils dans le réseau de la santé et dans les organismes communautaires. Il faut les développer davantage dans certaines régions. Il faut aussi les faire connaître davantage», a affirmé le ministre Hébert.

Une aide supplémentaire de 1,1 million $ sera versée aux organismes qui viennent en aide aux hommes en détresse, particulièrement à la suite d'une rupture. Le ministre a toutefois reconnu que cet ajout était insuffisant. Les organismes en support aux hommes en difficulté recevront environ 10 millions $ par année. Québec accorde 70 millions $ aux maisons d'hébergement pour femmes battues.

«C'est sûr que ce qu'on annonce aujourd'hui [jeudi] n'est pas suffisant. Il faudrait faire plus. C'est ce que nous pouvons faire dans le contexte des finances publiques. D'augmenter de 10 % le financement de ces organismes leur permettra de faire beaucoup de choses. Le retour sur l'investissement est extrêmement intéressant avec les organismes communautaires», a expliqué le ministre de la Santé.

Dans le rapport, on indique que les organismes d'aide aux hommes en détresse «manquent de ressources et ne rejoindraient qu'une minorité [environ 10 %] des hommes manifestant des comportements violents».

D'autre part, selon le ministre Hébert, la prévention passe aussi par une sensibilité plus grande par rapport à la détresse. «Quand vous voyez un collègue de travail qui modifie son comportement, qu'il est en situation de rupture, qu'il commence à consommer de l'alcool, qu'il s'absente du travail, qu'il présente des signes évidents de détresse, c'est le temps de l'inciter à aller consulter», a-t-il dit.

Couverture médiatique

Par ailleurs, le ministre a demandé au Conseil de presse de se pencher sur la couverture médiatique des drames familiaux et son effet possible pour amener d'autres personnes à commettre les mêmes gestes. «Cela peut donner des idées à certaines personnes. La question a été soulevée sur le suicide. On peut se questionner si ça s'applique dans le cas des homicides», a commenté le président du comité d'experts.

M. Tremblay a souligné que la présentation à maintes reprises d'images de drames familiaux causait des torts considérables aux enfants impliqués, aux proches. «Est-ce qu'on a besoin de ramener [dans les reportages] le nombre de coups de couteau, de nommer autant de détails?» a-t-il demandé.

On dénombre une trentaine d'homicides de femmes, d'enfants, de pères, par année au Québec comparativement à 1200 suicides. Les homicides intrafamiliaux représentent le tiers des meurtres commis au Québec. Ce phénomène est en diminution depuis 30 ans.

Les hommes sont responsables de 80 % des homicides dans une famille. Cette proportion diminue à 60 % pour les homicides d'enfants. Les femmes souffrant d'une dépression après la naissance d'un enfant causent 40 % des homicides d'enfants. Quant aux parricides, ils sont bien souvent l'oeuvre d'enfants ayant un problème de santé mentale.

Des moyens insuffisants

Les moyens proposés dans le rapport Tremblay pour contrer les drames familiaux sont insuffisants selon le psychologue Richard Cloutier, qui préside un organisme d'aide à des hommes en détresse à Québec.

«Ils ont fait un très beau travail. Il y a des recommandations dans le rapport sur la prévention où on ne peut pas être en désaccord, mais c'est clair que les moyens sont insuffisants», a commenté le président d'Autonhommie, après la conférence de presse du ministre Hébert.

«On ne peut pas être contre la prévention, mais il est temps d'accepter que les gars ont besoin d'une attention spécifique. Qu'ils aient 4 ans à la maternelle, 17 ans dans leur Honda rouge ou 50 ans avec leur rupture conjugale qu'ils ne sont pas capables de prendre et qu'ils ne comprennent pas», a-t-il ajouté.

À son avis, ce n'est pas de faire du sexisme que de penser de la sorte. «Au niveau de l'attitude, il faut accepter qu'un gars, ce n'est pas comme une fille et que ce n'est pas sexiste de dire ça. Et ce n'est pas d'en enlever aux femmes parce que les femmes sont les premières à réclamer moins de souffrances associées à des gars qui sautent leur coche», a-t-il soutenu.

M. Cloutier croit que la publication du rapport permettra une prise de conscience sur les besoins des hommes en difficulté. Chez Autonhommie, les deux tiers des hommes qui s'y présentent viennent de vivre une rupture de couple.