Viande halal: faute de mieux, les musulmans se débrouillent

Khadiyatoulah Fall est lui-même de confession musulmane, mais aussi responsable de la chaire d'enseignement et de recherche interethniques et interculturels à l'Université du Québec à Chicoutimi.

«En l'absence d'équipements pour répondre à leurs besoins, les musulmans se débrouillent.»


Au lendemain de la publication dans Le Soleil d'un texte rapportant que des abattages rituels illégaux ont lieu dans des fermes du Québec à l'occasion de la fête du sacrifice qui aura lieu cette année le 26 octobre, le professeur Khadiyatoulah Fall ne peut que constater le manque de ressources à cet égard, en particulier en dehors des grands centres.

Vendredi, Le Soleil faisait état de la pratique à laquelle se livrent des producteurs d'agneaux, soit de vendre des animaux vivants à des clients d'origine musulmane à l'occasion de l'Aïd el-Kébir, pour qu'ils les tuent eux-mêmes sur place, une façon pour eux de rappeler le sacrifice d'Abraham.



Or, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) est clair : cette pratique est illégale. Les seuls abattages pouvant se faire dans les fermes sont ceux pratiqués par le fermier lui-même et seulement pour ses besoins personnels. Les acheteurs désirant tuer leur agneau doivent soit le ramener chez eux, soit l'amener dans un abattoir, où c'est effectivement permis.

Mais voilà, souligne celui qui est spécialiste des questions interethniques : les abattoirs qui permettent effectivement cette pratique sont rares, surtout dans les régions. En tant que chercheur à l'Université du Québec à Chicoutimi, il est d'ailleurs présentement en train de documenter les façons de faire actuelles, qui sont plus souvent cachées qu'au grand jour. Mais selon lui, il faudrait faire preuve d'un peu de créativité. En France, dit-il par exemple, il y a des abattoirs ambulants pour l'Aïd el-Kébir, ce pourrait être une solution aussi ici.

«Je n'ai pas l'impression que le Québec est antihalal», dit celui qui participera la semaine prochaine à un colloque sur le sujet à Montréal. Il croit cependant que les citoyens, qu'ils soient musulmans ou pas, souhaitent que cette industrie se structure comme il faut. Il faut une certification bien organisée et fiable, un contrôle, des règles, dit-il.

Il se demande d'ailleurs en quoi le fait d'avoir le droit de ramener son agneau pour le tuer chez soi est préférable au fait de le tuer à la ferme où il est acheté. Si le MAPAQ édicte cette règle pour des raisons de salubrité, le même argument devrait prévaloir en toutes circonstances. «C'est un peu trop facile de dire qu'on est dans une situation de droit, que la maison est un espace privé, mais il y a une situation à clarifier.»