Dans une conférence de presse qui a soulevé davantage de questions qu'elle a apporté de réponses, le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie, et le premier vice-président de la centrale devenu président par intérim, Jacques Létourneau, ont maladroitement accepté la démission de M. Roy.
Maladroitement, car ils ont refusé de révéler les détails entourant la décision de leur ex-président, ou encore de corroborer la version des faits de celui-ci, évoquant leur devoir de protéger la confidentialité des personnes qui ont étayé des actions alléguées impliquant M. Roy.
De la version des faits de ce dernier, il ressort que des rumeurs l'ont poussé vers la sortie, après seulement 16 mois en poste. La gorge nouée, M. Roy a expliqué mercredi matin que deux histoires circulaient à son sujet au sein de la CSN, et que la pression associée à ces ragots avait rendu son travail très difficile, au point de convenir qu'il valait mieux quitter ses fonctions.
M. Roy a admis avoir donné un montant d'argent à un hôtel pour sceller le règlement à l'amiable qu'il avait conclu avec l'établissement après que des membres de la CSN eurent forcé l'ouverture d'un comptoir à alcool de l'hôtel où ils étaient logés pour une session de formation.
Il a également reconnu avoir raccompagné une femme désorientée à sa chambre pendant la même soirée, un geste qui est apparu intéressé aux yeux de certains.
«Des gens ont conclu que je voulais profiter de la situation, ce que je nie catégoriquement», a-t-il affirmé.
«Cette jeune femme-là ne confirme pas du tout ce qui est allégué, personne n'a déposé de plainte, mais depuis quelques mois, je dois vivre avec ces rumeurs-là, et vous savez que les rumeurs, ça a tendance à s'amplifier plus qu'à s'éteindre.»
Visiblement ébranlé, M. Roy a également expliqué qu'il avait choisi de ne pas dénoncer les personnes qui avaient forcé l'ouverture du mini-bar, et que ce choix avait suscité bien des questionnements, malgré les conclusions d'une enquête externe commandée par la CSN.
Deux versions
Or c'est de cette enquête que MM. Lortie et Létourneau parlent si prudemment, au point de remettre en question les déclarations de M. Roy.
«Il (Louis Roy) a beau prétendre que ce n'est pas si grave, que c'est une tempête dans un verre d'eau. On ne va pas aller sur ce terrain-là, on ne fera pas de débat public, sinon on va être obligés de dévoiler des détails de l'enquête», a lancé M. Létourneau, précisant au passage que même le nom de l'hôtel ou la date des événements ne seraient pas révélés.
«On ne dit pas qu'il n'y a pas de lien entre ce qu'il dit et la réalité, mais on ne les apprécie peut-être pas de la même manière», a-t-il ajouté, prudent.
«Moi dans cette situation-là, je ne l'aurais pas présenté de cette façon-là, honnêtement. Mais ça lui appartient», a aussi dit M. Létourneau.
Bien que les faits allégués eurent été «suffisamment importants» pour que le conseil exécutif de la CSN demande une enquête externe - qui a été effectuée par un juriste indépendant et connu du milieu, assurent MM. Lortie et Létourneau -, la CSN a cru bon d'éviter «toute la procédure de démission», choisissant plutôt de conclure une entente à l'amiable avec M. Roy.
M. Létourneau a confirmé que des discussions ont eu lieu avec l'ex-président pour conclure une entente sur son rôle futur au sein de la centrale, mais il a refusé de se prononcer sur la possibilité que M. Roy ait empoché une prime de départ.
La police n'aurait pas été saisie de l'affaire. Questionné sur les conséquences qui attendent possiblement les personnes qui ont ouvert le mini-bar, M. Létourneau a fourni une réponse surprenante.
«Encore faut-il que le bar ait été ouvert, a-t-il lancé. C'est sa version. Nous on n'a rien dévoilé.»
M. Roy a indiqué que l'enquête externe avait démontré qu'il n'avait pas défoncé le comptoir d'alcool.
«Mais il y a des gens qui ont considéré que j'avais cautionné et banalisé ce geste répréhensible, car j'étais le seul représentant de la CSN sur place et que j'ai choisi de régler à l'amiable avec l'hôtel», a-t-il précisé.
M. Roy a démenti l'ensemble des intentions qui lui sont prêtées, mais il a admis que les rumeurs l'ont fortement affecté.
«Dans le travail que je fais, je suis toujours au front et c'est très difficile de travailler quand des rumeurs reviennent constamment. J'ai considéré qu'il était mieux de démissionner», a-t-il résumé.
Élu sans opposition en mai 2011, M. Roy est devenu le 14e président de la CSN. Il succédait à Claudette Carbonneau qui avait dirigé la centrale pendant neuf ans.
Il avait amorcé son engagement syndical en 1975, auprès de l'unité du CLSC Hochelaga-Maisonneuve.
La CSN espère élire son nouveau président avant Noël.