«Les gens ont faim!» lance la directrice générale Barbara Michel. Son équipe reçoit quotidiennement des appels à l'aide... et doit repousser les infortunés, faute de moyens. «On est obligé d'en refuser. Juste pour la distribution alimentaire, on reçoit huit, neuf appels par jour. À la fin du mois, c'est encore pire. On leur fait des références, on les envoie ailleurs parce que nous, on n'est pas capable d'en aider plus.»
Faute de ressources, l'organisme communautaire trie la clientèle. Pour recevoir un coup de main, il faut rencontrer les intervenants et jouer cartes sur table : loyer, comptes, factures d'épicerie, tous les revenus et toutes les dépenses sont analysés. «On est obligé de servir les plus démunis des démunis.»
Ce jeudi matin là, nous étions de passage puisque nous suivions sur le terrain un candidat aux élections en campagne dans la circonscription de Jean-Lesage. Comme tous les jeudis matin, à notre arrivée, ils attendaient patiemment leur tour à l'extérieur. Une fois la porte déverrouillée, réunis dans la grande salle de l'étage supérieur, ils ont écouté poliment le politicien se vendre. Ils ont aussi écouté la directrice souligner que sans l'aide des élus du coin, le Relais d'Espérance serait probablement fermé.
Après les discours, ils ont chanté pour les anniversaires de la semaine, ils ont salué les bénévoles et les employés... Enfin! Le tirage au sort a commencé pour déterminer dans quel ordre ils pourront visiter le magasin situé au sous-sol afin de choisir les aliments, afin de remplir leur ventre.
Demande en hausse
Le Relais d'Espérance n'est pas une banque alimentaire. La mission première, c'est l'intervention psychosociale : café-rencontre, comptoir vestimentaire, socialisation, soutien en toxicomanie, aide psychologique, réinsertion en emploi... Mais la distribution de victuailles s'est imposée. Les esprits affamés n'écoutaient pas. «Ce n'était pas efficace. Quand tu as faim, tu penses juste à manger», remarque Barbara Michel.
Au début de l'expérience, il y a quelques années, le «magasin» n'était ouvert qu'un avant-midi par semaine. Mais la demande a doublé. «On a été obligé d'ouvrir toute la journée pour la distribution. On n'arrivait plus.» Le jeudi est donc réservé à l'alimentation de 130 à 150 personnes : un peu de viande, un dessert, des conserves, du jus et des légumes. Parfois, il y a du yogourt ou du lait.
Les autres jours, une centaine d'habitués visitent le Relais d'Espérance. Certains marchent durant deux heures pour s'y rendre, assure Mme Michel. La plupart viennent des quartiers environnants : Limoilou, Saint-Roch, Beauport, Charlesbourg... «Mais on en a beaucoup qui appellent de Sainte-Foy.»
Plusieurs n'arrivent plus à suivre : «On est une société de compétence et de performance», analyse Barbara Michel. «Maintenant, on travaille pour huit.» Les plus vulnérables décrochent, les maladies d'anxiété prendraient de l'expansion.
Les ressources du Relais d'Espérance ne suivent toutefois pas la même courbe ascendante que les besoins. Comme plusieurs de ses «clients», le Relais d'Espérance lutte pour sa survie, lutte pour boucler son budget. «On a beaucoup de difficultés financières. On a failli fermer. On est en déficit.» Le jour de notre visite, Barbara Michel l'a redit haut et fort au politicien-candidat en visite dans l'espoir de lendemains de scrutin qui chantent.
La rentrée des ventres vides
La rentrée scolaire est une période de pointe... pour Moisson Québec. La facture du retour en classe est salée pour les familles à faible revenu, remarque la coordonnatrice à l'approvisionnement, Hélène Vézina. «La pauvreté, c'est toute l'année que ça se vit.» La demande est certes importante durant les Fêtes de fin d'année, «mais une autre période sensible, c'est la rentrée scolaire. Il y a beaucoup d'achats à faire, c'est une grosse période. Les gens ont de plus en plus de difficulté à joindre les deux bouts.» Moisson Québec observe que la hausse du coût des denrées alimentaires vendues en épicerie fait mal aux ménages dont le budget est serré, même chez les travailleurs. «Les gens ont de la misère à arriver.» La fréquence des visites dans les banques alimentaires serait donc en hausse.