C'est rarement dans cet ordre, mais tout a commencé par le feu d'artifice. Ce sont les bombes pyrotechniques qui m'ont réveillé lors d'une - trop courte - sieste de récupération. Minuit approchait. La Ville de Richmond faisait éclater ses bombes dans le ciel pour animer la foule à l'arrivée des cyclistes.
L'heure de se lever. Et d'enfiler, encore, le maillot. L'objectif dans la mire : une épreuve éreintante de 93 km entre Richmond et Granby, de 1h à 5h.
Même au milieu de la nuit, des centaines de citoyens sont massés lors du départ pour nous encourager. De quoi réveiller les sens encore mieux que n'importe quel café.
Le peloton roule alors dans un halo lumineux inhabituel. À chaque vélo sa lampe. L'effet combiné des 200 lampes crée une bulle lumineuse enveloppante, quasi magique. Les rues sont désertes, abandonnées. L'Estrie est à nous. Le rêve. On roule à un train d'enfer, on attaque les vallons sans broncher. Personne ne parle. Tous les cyclistes sont dans leur bulle, hypnotisés par les faisceaux lumineux et le cercle éternel des coups de pédale. Au loin, le son planant de Shine on You Crazy Diamond de Pink Floyd. Tellement de circonstance. Un buzz à vélo? Presque.
Rudes sommets
Mais les sommets de l'Estrie sont rudes. Les dénivelés en poussent certains dans leurs derniers retranchements. Tout à coup, le peloton s'essouffle. Des pieds touchent le sol. Les muscles surchauffent. Notre peloton de tête part en échappée; pas exactement le but du Défi. Nous ne sommes pas au Tour de France.
Sauf que la nuit est jeune, et tout le convoi sera regroupé sans trop de peine sous les étoiles. La cadence est hallucinante. Rouler au-delà de 40 km/h, en plein centre d'une route nationale, à 3h le matin; c'est le genre d'interdit devenu possible le temps d'une nuit.
Une lumière bleutée fait son apparition. Le soleil se pointe même le bout du nez. Un peu avant 5h, nous arrivons à Granby, en avance. Nous sommes dimanche. Cinq heures du matin. Et la foule est encore là. Le groupe musical de l'école nous joue du tambour. Les bénévoles nous servent déjà avec sourire une omelette géante. Un dernier rayon de soleil pour boucler la boucle d'une nuit lumineuse.