«Des jeux radicaux contre la dictature du divertissement», c'est le slogan de son site Web et aussi la description précise de ce que fait Paolo Pedercini, qu'on pourrait décrire comme le père du jeu vidéo engagé. Établi à Pittsburgh, M. Pedercini a accepté l'invitation du Bivouac, qui bat son plein actuellement à Espace 400e, de venir passer deux jours à Québec pour juger le travail des programmeurs marathoniens. Les organisateurs s'attendent à des commentaires incisifs.
L'homme de 31 ans avait déjà créé des jeux vidéo à l'école secondaire. Mais plus tard, c'est l'activisme qui a pris toute la place. Au fil de son engagement, il est de plus en plus déçu par le monde de la politique et de la communication, «centrés sur eux-mêmes et incapables de connecter avec la culture populaire». Le monde du jeu vidéo le déçoit également: «On a des BD alternatives, on a des films indépendants, mais on ne voyait pas ce genre de choses en jeu vidéo. Il manquait cette voix alternative», raconte-t-il au téléphone, quelques heures avant son départ pour la capitale.
Le domaine du jeu vidéo, explique l'idéaliste, était bon enfant, un peu trop dans la rectitude à son goût. «Je ne dirais pas stupide... mais, en tout cas, il était très aligné sur l'idéologie dominante.»
En 2003, alors que le Parlement s'apprête à adopter une loi assouplissant les normes du travail, il crée un jeu vidéo où le joueur, un patron, contrôle son employé tel un Tamagotchi. Le jeu est amusant, le message, puissant.
«Quand j'ai commencé à faire ces jeux-là, j'ai remarqué que la majorité des joueurs typiques étaient comme estomaqués, trouvaient ça très bizarre, à la limite ça les agaçait», raconte M. Pedercini. «Mais ç'a changé graduellement.» Lui aussi, et surtout pas pour s'adoucir.
Il a fait tout un tollé en s'attaquant sans ménagement à la religion, tous tabous et toutes institutions confondus. Dans Operation: Pedopriest (Opération: PédoPrêtres), le joueur est à la tête d'un comité du Vatican, plongé au milieu d'un scandale sexuel. «Établissez la loi du silence et cachez le scandale jusqu'à ce que l'attention des médias se dirige ailleurs.» Dans FaithFighter (Combattant de la foi), «choisissez votre croyance et sacrez toute une volée [kick the shit out of] à vos ennemis», lit-on sur son site. Les dieux deviennent des monstres et se battent entre eux. À jouer sans gants blancs... ni susceptibilité!
Le scandale du premier a trouvé écho jusqu'au Parlement italien. Le second lui a valu une condamnation publique de la part d'une influente organisation de défense des musulmans qui y voyait un encouragement à l'intolérance, celle-là même qu'il voulait dénoncer par son jeu satyrique.
Réactions
Paolo Pedercini prend un malin plaisir à créer ces jeux et à en recueillir les réactions. «Que ce soit de l'enthousiasme ou de l'agacement, ça m'encourage à continuer. À mon avis, les jeux vidéo, c'est un domaine qui avait besoin d'être politisé, d'une certaine façon.»
Mais son travail, témoigne-t-il, est accueilli de plus en plus positivement. «Même les plus puristes sont de plus en plus ouverts à des jeux qui portent un message, qui sont plus provocateurs, satyriques. Et ça, c'est positif. La maturation de l'industrie ne provient pas seulement du côté des producteurs, mais aussi du côté des consommateurs et de ceux qui créent le discours autour des jeux.» Au passage, l'enseignement recueille même un peu de revenus publicitaires.
«[Mais] ce qui me signale que le jeu en vaut la chandelle, c'est ce que ça me donne», conclut-il, en parlant des réactions provoquées. «Et si je vois que la réponse est un peu trop favorable, ça ne fait que hausser la barre pour faire des choses encore plus étranges et radicales!»
Sur Internet: www.molleindustria.org
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