La publication, jeudi, dans Le Soleil, d'un article annonçant la mise en marché au Québec et au Canada du nouveau maïs sucré Performance de la multinationale Monsanto a suscité de nombreuses réactions. Ce maïs a été manipulé génétiquement pour résister à la fois à plusieurs insectes et au glyphosate (de son nom commercial Roundup), un herbicide ayant pour caractéristique de détruire tous les végétaux. Il a été offert aux producteurs québécois ce printemps et certains en ont acheté, a indiqué mercredi un représentant de la compagnie.
Alors que les cultures biotechnologiques pratiquées à ce jour étaient destinées à l'alimentation animale ou se retrouvaient sous forme d'ingrédients dans les aliments transformés (principalement des huiles de canola, maïs ou soja), ce sera la première fois qu'un légume génétiquement modifié québécois se retrouvera dans nos assiettes depuis les tentatives d'introduire une pomme de terre à la fin des années 90. Celle-ci avait été retirée du marché... faute de marché.
Autrement, les Québécois consomment à leur insu depuis quatre ou cinq ans des légumes génétiquement modifiés américains, notamment du maïs sucré et diverses courges.
Pour Denis Falardeau, de l'ACEF de Québec, «savoir ce que nous mangeons est un droit fondamental». Il estime en outre qu'en participant à une liste certifiant qu'ils ne produisent pas de maïs génétiquement modifié, «les agriculteurs pourront protéger leur image professionnelle et maintenir la confiance de leur clientèle».
Alain Rioux, directeur général de la Filière biologique du Québec, juge pour sa part que l'arrivage du maïs de Monsanto sonne la fin de la récréation. L'organisation compte rassembler les appuis pour demander un débat public au gouvernement provincial sur toute la question des organismes génétiquement modifiés.
Le président de l'Union paysanne, Benoît Girouard, dit d'ailleurs avoir reçu des appels de producteurs biologiques inquiets des risques de contamination.
Peu d'adeptes
Il ne semble pas que le maïs sucré génétiquement modifié ait fait beaucoup d'adeptes chez les producteurs de la région de Québec.
Le président de l'Association des producteurs de maïs de Neuville, le pays par excellence des épis jaunes, souligne qu'aucun d'eux n'a été intéressé par la technologie de Monsanto. «Ce n'est pas vraiment vendeur», a indiqué Gaétan Gaudreau dans un échange par boîtes vocales.
Sur l'île d'Orléans, les fermes Jean-Pierre Plante et Polyculture Plante misent aussi sur des cultures conventionnelles. «On ne sait pas s'il y a des conséquences, il ne faut pas aller trop vite», croit Jean-Pierre Plante. La réaction des consommateurs ne le laisse pas indifférent non plus. «On ne veut pas qu'il y ait des doutes sur ce qu'on vend», dit-il.
Lettre ouverte au ministre Corbeil
Le réseau Vigilance OGM interpelle le ministre de l'Agriculture sur l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés (OGM). Dans une lettre ouverte, le regroupement conteste les récentes déclarations de Pierre Corbeil sur les difficultés à mettre en place un tel système.
Les porte-parole du regroupement ne voient pas pourquoi on ne pourrait pas faire ici ce qu'une quarantaine de pays ont déjà fait, forcer l'affichage de la présence d'organismes génétiquement modifiés. En outre, ils contestent l'affirmation du ministre selon laquelle seulement 3 % des aliments du panier d'épicerie des Québécois contiendraient des OGM, une proportion qu'eux estiment à 75 %.
Alors que le ministre s'appuie sur une étude ayant révélé des traces d'OGM, les opposants prennent pour mesure l'ensemble des aliments contenant un ingrédient génétiquement modifié, même lorsque la transformation a effacé ces traces, ce qui est le cas avec les huiles. Mercredi, même le représentant de Monsanto a affirmé au Soleil que 70 à 75 % des aliments en contenaient. Au Québec, 85 % du canola, 74 % du maïs et 52 % du soja étaient génétiquement modifiés en 2011 selon le site d'information du gouvernement du Québec (www.ogm.gouv.qc.ca).
Jeudi, le directeur de l'appui à la recherche et à l'innovation au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Claude Bernard, a indiqué que le gouvernement a commandé plusieurs études sur le sujet, dont trois sont en cours. L'une d'elles porte sur les flux de contamination des cultures conventionnelles ou biologiques à partir des plantes génétiquement modifiées, une autre sur les risques encourus par les lignées de canola, et une troisième sur la résistance réelle aux ravageurs. Une quatrième est à venir sur les gains réels de ces semences sur les plans agronomique et économique.