L'initiative, qui prend son envol en cette Journée internationale des femmes, s'appuie sur une campagne publicitaire et Internet orchestrée par la Sécurité routière, organisme responsable de la lutte contre l'insécurité routière en France.
Un Manifeste des femmes pour une route plus sûre, rédigé par l'écrivaine Marie Desplechin, occupe la place centrale. Les femmes sont invitées à signer et à partager le document.
«Dans l'entourage d'un homme qui prend le volant, ou les clés de la moto, il y a souvent une femme. Vous, moi, une femme qui peut dire : non. Je ne monte pas dans cette voiture. Je descends au prochain feu. Roule moins vite. Vraiment moins vite. Tu es dangereux. Passe-moi les clés», dit le texte, qui invite les femmes à ne plus être «accommodantes» envers les comportements risqués de leur mari, compagnon, fils, père, ami.
Des Françaises connues, comme la comédienne Axelle Laffont et la chef Hélène Darroze, font partie du premier millier de signataires.
Statistiques évidentes
Des statistiques viennent appuyer la campagne. Les plus répétées : les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à mourir sur les routes de France, à 3000 contre 900 environ, et ils représentent 62 % du total des blessés. Encore : 92 % des morts en moto sont des hommes. Ces derniers sont également plus susceptibles d'être impliqués dans des accidents mortels causés par l'alcool.
Au Québec, les données vont dans le même sens. Les hommes sont ainsi deux fois plus nombreux que les femmes à trouver la mort sur les routes de la province. Si on considère seulement les conducteurs, cette proportion est la même qu'en France, soit trois pour un. Quand on parle de blessures graves, les hommes représentent ici aussi 62 % des victimes. Et environ 85 % des décès en moto. Pour l'alcool au volant, l'avantage - ou plutôt le désavantage - va également au sexe masculin.
Ces chiffres ne surprennent pas Marie-Andrée Gravel, étudiante en sciences géographiques à l'Université Laval, qui amorce une maîtrise sur les différences entre les hommes et les femmes dans le bilan routier québécois. «C'est le même portrait dans tous les pays industrialisés», dit-elle.
Il faut dire que les deux sexes ne conduisent pas de la même façon. Les hommes, qui passent plus de temps derrière le volant, démontrent une meilleure maîtrise de leur véhicule et de la route, selon la littérature scientifique mondiale. Par contre, ils prennent davantage de risques et multiplient sciemment les violations au Code de la route, ce qui leur vaut davantage de décès.
«Les déplacements des femmes sont plus utilitaires», précise Mme Gravel. Elles sont réputées faire davantage d'erreurs de conduite, mais elles roulent moins vite, ce qui amoindrit les conséquences des accidents dans lesquels elles sont impliquées.
Si les hommes sont toujours surreprésentés dans les accidents avec morts ou blessés, les statistiques québécoises révèlent que le nombre de victimes féminines augmente. Il faut déterminer si c'est parce qu'elles sont plus nombreuses à conduire ou parce qu'elles deviennent plus téméraires.
Les résultats de recherche de Marie-Andrée Gravel pourraient permettre d'élaborer des cours de conduite et surtout des campagnes de sensibilisation à la sécurité routière adaptés au sexe des conducteurs.
L'étudiante n'est pas convaincue que la dernière initiative française est le modèle à suivre. «Toute sensibilisation est positive, mais je ne suis pas certaine de l'impact parce qu'on parle de comportements masculins très ancrés», réfléchit-elle à haute voix. Un contrevenant critiqué alors qu'il est sous tension pourrait même s'avérer plus dangereux. Le battage médiatique autour de la campagne, qui permet de diffuser des informations percutantes sur la sécurité routière et offre un argumentaire en 10 points aux dames, est peut-être davantage susceptible de changer les mentalités de ces messieurs.