Une erreur humaine à l'origine du déraillement de train dans Bellechasse

C'est la mauvaise interprétation d'un feu de signalisation masqué partiellement par la neige qui a mené au déraillement d'un train de Via Rail à Saint-Charles-de-Bellechasse le 25 février 2010, conclut le Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada. L'utilisation de systèmes de sécurité de pointe aurait pu prévenir l'accident, qui présente plusieurs similitudes avec celui ayant fait trois morts à Burlington (Ontario) il y a 10 jours.


Deux ans après l'événement de Saint-Charles, les enquêteurs du BST ont rencontré la presse, mardi, à Québec, afin d'exposer leurs conclusions. Le scénario le plus probable veut que les deux conducteurs du train, cumulant une trentaine d'années d'expérience chacun, aient mal interprété un signal lumineux leur commandant de ralentir à l'approche d'un changement de voie. Quand ils ont réalisé leur erreur, ils n'étaient plus qu'à 150 mètres de l'aiguillage et roulaient à 103 km/h au lieu des 24 km/h prescrits.

Le train de passagers, qui arrivait d'Halifax et se dirigeait vers Montréal avec 128 passagers et 10 employés de Via Rail à son bord, s'est donc engagé dans la voie d'évitement à une vitesse excessive. La locomotive de tête a dévié, percuté un garage et s'est renversée sur le côté, blessant les conducteurs, pendant que la seconde locomotive atterrissait tout près d'une résidence avec les autres wagons à sa suite. Cinq passagers ont également subi des blessures mineures.



Pour expliquer que les mécaniciens de locomotive aient vu du vert là où il y avait du jaune et du rouge, Ed Belkaloul, gestionnaire du BST pour les opérations régionales de l'Est, a montré des photos des feux de signalisation en partie recouverts par la neige qui tombait à plein ciel à 4h25 le matin du 25 février. La fatigue, indissociable du quart de travail de nuit, a également été invoquée dans le rapport.

Fait à noter, les deux conducteurs s'étaient fait dire que le train de marchandises qu'ils croisent habituellement sur ce parcours était en retard. Ils s'étaient donc forgé un «modèle mental» où ils n'auraient pas de changement de voie à faire pour le laisser passer, ont déduit les enquêteurs.

«Eux autres, dans leur tête, le signal, ils l'ont clairement vu vert. Si ça avait été le contraire, ils se seraient arrêtés», a insisté M. Belkaloul.

Pour éviter de telles erreurs d'interprétation, le BST a répété qu'il fallait des systèmes de sécurité plus poussés dans les trains roulant au Canada. Il est possible «depuis les années 20» de répercuter les signaux lumineux qui se trouvent le long de la voie ferrée sur un écran à l'intérieur de la locomotive, a précisé Ed Belkaloul. Certains équipements utilisés dans les trains aux États-Unis et dans le métro de Montréal peuvent même ralentir la course des wagons si les conducteurs ne le font pas.



Plusieurs parallèles

Ce message destiné à Transports Canada et à l'industrie ferroviaire date de 2001. Il a été réitéré après le déraillement d'un autre train de Via Rail survenu à Burlington le 26 février dernier, où les trois mécaniciens de locomotive ont trouvé la mort et une quarantaine de passagers ont été blessés. Rob Johnston, gestionnaire des opérations pour le centre du Canada affecté à l'enquête sur Burlington, a dressé hier plusieurs parallèles avec l'accident de Saint-Charles. Dans les deux cas, les trains étaient conduits par des employés d'expérience, mais circulaient à une vitesse beaucoup trop élevée pour réussir le changement de voie qui les attendait. Il est cependant trop tôt pour dire si c'est une erreur humaine ou une défaillance mécanique qui justifie cette vitesse excessive dans le cas ontarien, a souligné M. Johnston.

Les enquêteurs déplorent par ailleurs que les boîtes noires des trains n'enregistrent pas les conversations dans la locomotive, comme c'est le cas dans la cabine de pilotage des avions et des bateaux. Faire toute la lumière sur un incident s'avère donc beaucoup plus long et complexe.