Certains Lavallois n'hésitent pas à parler de «coupes à blanc». Gilles Dusseault compte parmi ceux-ci. «Je ne suis pas contre le développement, mais je crois qu'ils sont en train de faire une erreur», lance-t-il, alors qu'il propose au Soleil un tour guidé des nouveaux secteurs résidentiels qui ont, selon lui, détruit les montagnes.
Gilles Fortin, propriétaire du développement Kildare, rappelle cependant qu'en achetant les terrains, il a dû verser 10% de leur valeur à la municipalité pour permettre la construction de parcs. Wanita Daniele, gestionnaire de l'aménagement du territoire, explique également que les promoteurs doivent cotiser au fonds «reboisement» de Sainte-Brigitte-de-Laval.
Mais M. Dusseault a du mal à y croire. «Est-ce que tu vois des arbres?», demande-t-il en parcourant les rues récemment bétonnées des différents ensembles. «Tout ce qu'on voit, c'est des poteaux d'Hydro-Québec. C'est ça qu'on plante?» lance-t-il, sarcastique. Celui-ci admet néanmoins que des efforts ont été faits dans certains secteurs pour préserver la forêt, surtout où les terrains sont plus spacieux et les résidences plus chères.
Protéger l'eau
Gilles Dusseault a également pu pousser un soupir de soulagement lors de l'adoption par la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) en 2011 d'un nouveau règlement visant à protéger les principales sources d'eau de Québec qui limite l'utilisation de fosses septiques et empêche désormais les constructions sur les terrains en forte pente.
Le maire de Sainte-Brigitte-de-Laval, Gilbert Thomassin, reconnaît que les nouvelles règles lui ont causé bien des maux de tête alors que plusieurs terres situées à flanc de montagne avaient été vendues à des promoteurs qui n'avaient soudainement plus le droit de construire leurs habitations. Des exceptions ont pu être négociées, mais selon le maire, la CMQ dirigée par Régis Labeaume avait entre autres l'objectif de freiner le développement de sa municipalité et des autres aux alentours qui gagnent en popularité au détriment de Québec.
Mais le responsable de l'aménagement du territoire à la Ville de Québec et membre du comité exécutif de la CMQ, François Picard, assure que c'est pour protéger l'environnement que le réglement a été adopté. «Ce n'est pas pour contraindre le développement de la municipalité!» s'exclame-t-il, rappelant les effets néfastes de la construction en montagne, comme le ruissellement lors des fortes pluies et la fonte des neiges.
Par ailleurs, M. Picard ne se dit pas préoccupé par l'essor de Sainte-Brigitte-de-Laval et soutient que la Ville poursuit ses efforts dans le but de fournir aux jeunes familles des logements abordables. «Ça ne nous dérange pas de voir les autres municipalités se développer, on est conscient que les terrains sont chers», affirme-t-il, rappelant néanmoins que Québec offre une gamme de services à proximité. Un avantage avec lequel Sainte-Brigitte ne peut pas rivaliser, du moins pas encore.
Appétit insatiable pour les services
«À quand l'épicerie?» La question est sur toutes les lèvres des Lavallois, qui doivent parcourir une dizaine de kilomètres pour aller faire leurs emplettes à Beauport pour s'approvisionner. Mais Sainte-Brigitte-de-Laval ne manque pas que de marchés d'alimentation. Une panoplie de services n'y sont pas encore offerts, même si la municipalité a investi massivement au cours des dernières années pour améliorer son offre.
Le directeur général, Gaëtan Bussières, confirme que Sobeys a récemment acheté un terrain en vue d'y implanter un IGA. Mais la construction de celui-ci tarde, et la municipalité n'a aucun pouvoir pour faire accélérer les choses, puisqu'il s'agit d'une décision d'affaires. Selon M. Bussières, l'entreprise attend que la population ait atteint un certain cap pour s'assurer de la rentabilité de son investissement.
Il ne faut pas oublier, dit le directeur général, que Sainte-Brigitte-de-Laval se situe dans un cul-de-sac. Selon lui, cela peut décourager certains commerces à vouloir s'y implanter, puisqu'ils ne sont pas assurés de connaître un achalandage suffisant.
Néanmoins, un couple de Beauport a récemment acheté une vieille maison pour la transformer en restaurant qui servira aussi de crémerie. Le Duff, qui devrait ouvrir ses portes à la fin juin, pourrait également devenir rapidement le premier bar du coin. Cela n'inquiète pas Cécile Duguay, la propriétaire du Lavallois, un snack qui a pignon sur rue depuis 1983. «Il y a de la place pour deux», lance celle qui dit avoir doublé son chiffre d'affaires depuis quelques années en raison du boum démographique de la municipalité.
Mais avant d'essayer d'attirer les commerçants, les dirigeants de Sainte-Brigitte-de-Laval se sont d'abord attaqués aux infra-structures. Autrefois sinueuse et étroite, la seule route qui mène à la municipalité a été rénovée. Un terrain de soccer synthétique a été aménagé, un garage municipal construit et l'agrandissement de la mairie en voie d'être terminé. Un chalet des sports devrait être inauguré à l'été, et de nouveaux accès à la rivière Montmorency seront aménagés.
Le prix à payer
Tout cela a cependant un coût. Ceux qui habitent Sainte--Brigitte depuis les années 90 l'ont appris à leurs dépens alors qu'ils ont vu leur compte de taxes doubler en quelques années. «On veut attirer une population plus rurale, mais on fait comme si c'était une grande ville», déplore Éric Gosselin, qui se demande si tous ces investissements étaient nécessaires.
Celui-ci doit désormais payer plus de 2000 $ en taxes foncières, un montant comparable à ce que les habitants de Québec peuvent payer, mais avec plus de services. Toutefois, selon l'économiste et spécialiste des marchés immobiliers de l'Université Laval François Des Rosiers, le fardeau fiscal de la municipalité repose entièrement ses résidants, puisque aucune industrie n'y est installée.
Gaëtan Bussières espère renverser la vapeur et confirme qu'une portion du territoire est désormais zonée industrielle. Le maire Gilbert Thomassin promet quant à lui qu'à l'instar des deux dernières années, les taxes ne seront pas augmentées, puisque l'essentiel des dépenses majeures ont été réalisées.
Par ailleurs, les dirigeants de la Ville confirment à la blague que la construction d'un amphithéâtre n'est pas dans les plans. Néanmoins, ces derniers expliquent que les municipalités environnantes discutent d'un projet plus modeste et commun d'aréna et de piscine.