Le moins que l'on puisse dire, c'est que la présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec, Claire-Marie Gagnon, en a gros sur le coeur. La tristesse noierait de plus en plus les espoirs et les joies des Québécois en quête d'un enfant du monde. Les couples écopent.
Durant les années 90, le Québec recevait quelque 1000 gamins par année, surtout d'Asie. Depuis cinq ans, la moyenne tourne autour de 500. Entre ces deux périodes, les normes internationales ont été resserrées. Les pays pourvoyeurs donnent maintenant la priorité à l'adoption locale au risque d'héberger les enfants plus longtemps en institution. En gardant leur progéniture à la maison, ils espèrent, notamment, préserver la culture des petits. «C'est quoi, la culture d'orphelinat? Il n'y a pas de culture dans un orphelinat», dénonce Mme Gagnon.
Le nombre d'enfants disponibles diminue, les délais s'étirent. Les adoptants plus patients poireautent donc des années pour accueillir un bébé. «Après cinq années, ce n'est plus le même couple qui va arriver avec un enfant. Pendant cinq ans, ils ont bloqué tous leurs projets pour attendre cet enfant-là. [Et], c'est rendu dans les 30 000 $. Quand les enfants finissent par arriver, les parents sont déjà au bout de leurs ressources.»
Les adoptants plus pressés s'ouvrent aux enfants «à besoins spéciaux»; ils sont handicapés, plus vieux, en fratrie ou malades. Ici, l'attente est réduite. «Les enfants qui sont offerts, ce sont des enfants dont les pays ne veulent plus ou dont ils ne peuvent s'occuper», déplore Claire-Marie Gagnon. Notre interlocutrice convient qu'adoption internationale rime toujours avec défis. «Mais il y a des défis insurmontables. Certains sont des puits sans fond d'exigences, de demandes, de soins.»
Aidants naturels
«Ce qu'on nous demande, c'est d'être beaucoup plus des professionnels de la santé. [...] On demande aux adoptants, maintenant, d'être des aidants naturels pour les enfants de l'étranger et d'être des thérapeutes parce qu'on impose des enfants avec des défis de plus en plus grands, évalue-t-elle. De plus en plus d'enfants sont déposés à la DPJ [Direction de la protection de la jeunesse].»
Après une vérification dans tous les centres jeunesse du Québec, leur porte-parole, Judith Laurier, ne peut confirmer : «On ne peut pas évaluer d'une façon significative qu'il y a plus de signalements qui proviennent d'enfants qui ont été adoptés à l'international que d'autres enfants.»
Les données scientifiques disponibles font état d'environ 5 % d'échecs d'adoption, d'enfants remis aux services sociaux ou placés en pensionnat parce que les adoptants ne savent plus à quel saint se vouer, tranche le Dr Jean-François Chicoine, directeur de la clinique d'adoption et de santé internationale du centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, sis dans la métropole.
Le royaume des rêves brisés, l'adoption internationale? Tandis que la plupart des adoptants attendent un nouveau-né «la tendance annoncée [...] est à l'effet que les enfants libres à l'adoption internationale sont et seront de plus en plus âgés, parfois en fratrie et présentant des besoins spéciaux physiques et psychologiques», confirme le Secrétariat à l'adoption internationale dans un récent rapport. «Le phénomène peut nous amener à nous interroger sur l'adéquation entre les besoins des enfants présentés en adoption internationale et les attentes des adoptants québécois.»
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