Pas d'urgence pour repêcher les épaves devant Québec

Le ministère de la Culture a peut-être la juridiction sur ce qu'on peut trouver dans les bas-fonds, mais il n'a pas l'expertise pour y plonger. En effet, la seule équipe spécialisée en archéologie subaquatique, un domaine très pointu, travaille pour Parcs Canada à Ottawa.

Il est presque certain que plusieurs des objets non identifiés récemment découverts au fond du Saint-Laurent devant Québec sont en réalité des épaves connues. La prochaine étape consiste donc à croiser ces données avec celles des historiens, mais en fait, rien ne presse pour les sortir de là : si elles ont déjà passé 300 ans sous l'eau, quelques années de plus n'y changeront pas grand-chose.


La découverte par le Service hydrographique du Canada de ces 15 objets mystérieux qui dorment au fond des eaux suscite néanmoins un vif intérêt au ministère de la Culture du Québec, qui a juridiction sur ces découvertes.

«Ça nous intéresse, ça, c'est clair. Ça ne laisse jamais indifférent», lance René Bouchard, directeur du patrimoine et de la muséologie au Ministère.



Son équipe a déjà mis la main sur ces nouvelles données, mais elle avait déjà une bonne connaissance des épaves et des naufrages dans le Saint-Laurent. Elle en a d'ailleurs publié une compilation en janvier dernier (petiturl.com/33k), où l'on trouve par exemple l'emplacement d'une cinquantaine d'épaves situées dans le fleuve entre la Côte-de-Beaupré et Lotbinière.

Le ministère de la Culture a peut-être la juridiction sur ce qu'on peut trouver dans les bas-fonds, mais il n'a pas l'expertise pour y plonger. En effet, la seule équipe spécialisée en archéologie subaquatique, un domaine très pointu, travaille pour Parcs Canada à Ottawa.

«Dès le début janvier, les spécialistes entreront en rapport les uns avec les autres, et on pourra mieux déterminer ce qu'il y a à faire, poursuit M. Bouchard. Progressivement et en fonction des priorités et des budgets, on pourra aller plus loin en termes d'archéologie subaquatique.»

Choix déchirants



Mais l'archéologie n'est pas une science de gens pressés. Il y a plus de 9000 sites archéologiques au Québec, incluant des milliers d'épaves dans le Saint-Laurent. Des choix déchirants s'imposent. Et comme la plongée et les fouilles sous l'eau sont extrêmement onéreuses, il faut étudier longtemps et savoir où l'on s'en va avant de lancer des opérations. Mais, heureusement, rien n'est urgent. «Au fond de l'eau, les épaves sont mieux protégées que si on sortait tout ça à l'air libre», explique M. Bouchard.

Charles Dagneau, archéologue subaquatique chez Parcs Canada, est aussi convaincu que plusieurs des objets répertoriés correspondent à des épaves connues. Les premières étapes seront celles de l'expertise et de l'inventaire. Les plongeurs pourraient aussi aller jeter un coup d'oeil pour préciser certains éléments.

«Si ça se révèle intéressant, on peut procéder à des études plus importantes, [...] des plans de site en surface et des fouilles plus exhaustives.»

C'est en réalité l'importance historique de la découverte et sa vulnérabilité qui guideront les actions à entreprendre.

En 1994, par exemple, les plongeurs de Parcs Canada, en collaboration avec le ministère de la Culture du Québec, se sont intéressés à l'épave du Elizabeth and Mary, de la flotte de William Phips, parce que les mouvements de glaces menaçaient le bateau échoué tout près des côtes de Baie-Trinité en 1690. Les archéologues ont donc plongé pour sauver plusieurs artéfacts historiques en les ramenant à la surface.

Mais il semble qu'aucune des dizaines d'épaves qui se trouvent devant Québec ne soit en danger, ce qui laisse tout le temps aux archéologues de Québec et d'Ottawa d'apprendre à les connaître avant de songer à les fouiller.