Un dîner pour rompre avec la solitude

«Si c'était pas de ça, je serais très triste. Je pleurerais chez moi, parce que je suis toute seule.»


Lysiane Arson, 87 ans, est attablée au dîner de Noël des petits frères des Pauvres, avec sa «famille». Des gens qui furent pourtant de purs inconnus, à une autre époque. Ils sont aujourd'hui parmi ce qu'elle a de plus cher.

La volubile dame à l'accent français connaît bien l'organisme qui fête ses 25 ans à Québec. Elle a longtemps donné, jusqu'à ce que Les petits frères des Pauvres lui offrent à leur tour du soutien. Elle n'était pourtant pas si pauvre, se dit-elle...



«Madame, est-ce que vous êtes seule?» lui avait-on demandé.

«Ah! Pour être seule, j'suis seule...»

«Bien c'est ça, votre pauvreté.»

Les petits frères des Pauvres n'aident pas tant les personnes âgées qui sont sans le sou que ceux qui sont sans le «nous». Le fondateur de l'organisme, Armand Marquiset, le disait d'ailleurs avec une certaine poésie: «Des fleurs avant le pain». À la même table, le comédien Paul Hébert anime la discussion. L'homme de théâtre est impliqué depuis 15 ans avec l'organisme, dont le quartier général porte son nom, dans Vanier: la Maison Paul-Hébert. Ému, il relate des rencontres marquantes lors des visites qu'il effectue chez les personnes âgées qui ne peuvent plus se rendre à ce genre de dîner.



À chacune de ses visites, il prend le temps de regarder les photos de familles, toujours installées près de la fenêtre. Il s'informe sur elles, et les réponses sont parfois dures: «ils ne viennent jamais» ou encore «celle-là vient lorsque le chèque arrive».

De belles histoires, aussi. Comme ce vieil homme vivant ses derniers jours. Seul. Il a bien un fils, mais n'en a aucune nouvelle. Le comédien contactera celui-ci pour un rendez-vous ultime avec son père. Un pont avait été construit. Le fils l'aura emprunté.

Familles absentes

L'organisme pallie ainsi non seulement l'inexistence de la famille, mais aussi son absence. Une absence qui désole Mgr Paul Lortie, évêque auxiliaire de Québec, qui participe aussi au dîner. «Ça m'attriste de voir qu'il peut y avoir des frontières [à l'intérieur de certaines familles]. Mais comment on peut dénouer ça? La mission que j'ai comme évêque et qu'on a tous, c'est d'être des ponts pour des gens qui ne se parlent pas. [Ainsi], la solitude n'a pas le dernier mot».

Trouver ces gens isolés est un défi constant, souligne de son côté l'organisateur du dîner, Pascal Fournier, qui peut compter sur quelque 140 bénévoles pour qu'une centaine d'aînés reçoivent de la visite ou partagent des moments comme ce dîner traditionnel de Noël, qui se tenait cette année à l'hôtel Clarion.

Gaétane Lacroix aura trouvé cette «famille» par un article du Soleil, il y a trois ans. Elle a depuis fait plusieurs sorties avec son groupe. En discutant, on s'aperçoit toutefois que le type d'activité est bien secondaire. «L'important, c'est d'être ensemble.»