C'est tout un bouleversement que se prépare à vivre le Québec septentrional, a exposé, jeudi, Thierry Rodon, le titulaire de la chaire qui vient d'être créée à l'Université Laval.
«Le Plan Nord, c'est 11 projets miniers potentiels [...] et 4000 emplois», a-t-il souligné. Il a mis ce chiffre en parallèle avec le fait que l'ensemble de la nation inuite totalise 10 000 âmes. «C'est comme si, au Québec, on créait trois millions d'emplois.»
Les retombées économiques sont pourtant loin d'être garanties à l'avance pour les autochtones. «Il n'y a rien pour retenir l'argent» dans les communautés, a mentionné l'universitaire.
«Même si vous donnez 50 000 $ à chaque famille dans le village, ils vont le dépenser en allant acheter des biens produits à Montréal, Ottawa ou ailleurs. [...] Il n'y a même pas de banque.»
Une partie du personnel des mines sera autochtone, mais une large proportion sera probablement constituée d'employés ne résidant dans le Nord que le temps de leur quart de travail prolongé, amené par avion sur le système de fly-in/fly-out. Une source d'inquiétude, a reconnu Thierry Rodon.
S'il n'y a que ça, il n'y aura pas de bénéfices, à part de l'argent aux communautés. C'est l'enjeu. Avec les mines, il faut être capable de créer des entreprises locales pour capturer un certain nombre de bénéfices.»
Seconde conquête
Le spécialiste du Nord a admis que les autochtones craignent un envahissement. «Les jeunes Inuits le voient comme une seconde conquête du Nord par le Sud.»
Le président de la société Makivik, qui gère les avoirs de la nation inuite, a soutenu que le fly-in/fly-out constitue une «préoccupation majeure. Nous ne sommes que 10 000 personnes sur un territoire plus grand que la France», a commenté Pita Aatami.
Le leader inuit a affiché des sentiments partagés par rapport aux projets de train qui font partie du Plan Nord, dont un pourrait se rendre à Kuujjuaq. Cela briserait l'isolement des villages du reste du Québec, mais ouvrirait le territoire aux populations du Sud, a-t-il expliqué.
L'idée d'amener une ligne de transmission électrique jusqu'à la baie d'Ungava lui sourit davantage. L'énergie provient de la rivière La Grande, dans le Nord, et éliminerait des centrales au diesel qui polluent le Nunavik. La Chaire de recherche vise à «améliorer les connaissances sur les enjeux du Nord, notamment sur l'avenir des populations, leur mieux-être et leur prospérité».
L'espérance de vie chez les Inuits est de 66 ans. En moyenne, au Québec, elle atteint 81 ans.