Titulaire de la Chaire de recherche Claire-Bonenfant - Femmes, savoirs et sociétés, à l'Université Laval, la professeure de 30 ans d'expérience a sonné l'alarme, lundi matin, à la suite d'un article paru dans Le Soleil. On y annonçait la sortie prochaine d'un calendrier de photos nues des joueuses du club de rugby du Rouge et Or comme moyen de financement.
En compagnie de sa collègue directrice du baccalauréat en intervention sportive, Guylaine Demers, Mme Lee-Gosselin en a appelé au recteur pour empêcher la sortie dudit calendrier. La direction de l'Université s'est vite rendue à leurs arguments. Dès mardi, les dirigeants du club et du Service des activités sportives (SAS) de l'Université, qui cautionnaient jusque-là le projet, ont été forcés d'annuler la publication.
«Une fois que c'est dans l'espace public, on ne peut pas rester silencieuse», explique Mme Lee-Gosselin, qui assure ne «pas avoir de problème à jouer le rôle de la méchante» si cela permet de conscientiser davantage. Conscientiser sur le fait qu'en 2011, la nudité féminine et la nudité masculine n'envoient pas le même message social. «Les résultats sont plus coûteux pour les filles que pour les gars.»
Crédibilité féminine
Chercheuse spécialisée sur la place des femmes en milieu de travail et dans les directions d'organisations, elle affirme que la crédibilité féminine n'y est déjà pas élevée. «Dans 5, 10 ou 15 ans, quand les photos auront circulé et que ces filles-là vont postuler dans un grand bureau de comptables ou d'avocats, est-ce que leur futur employeur va voir la professionnelle ou le sex-symbol?»
L'aspect financier constitue un point important, aux yeux des deux professeures. «Si leur financement était adéquat, les filles auraient-elles pensé à ça?» demande Mme Lee-Gosselin. «On vient de passer une semaine de Coupe Vanier où on a appris que notre programme de football avait un budget de 2 millions $. Et là, une semaine après, on a les filles du rugby qui se mettent tout nues pour ramasser de l'argent», enchaîne Demers, elle-même une ancienne joueuse du Rouge et Or basketball.
«Je me bats contre ça depuis que je suis à Laval», poursuit la professeure du cours Équité dans le sport. «Elles veulent démontrer la diversité des corps, je comprends. Mais qui va comprendre? Outre l'entourage proche des joueuses, qui seront les acheteurs d'un tel calendrier, vous croyez?» lance Mme Demers.
Des conséquences réelles
Les conséquences de l'hypersexualisation de la femme, décrites par la professeure Hélène Lee-Gosselin, sont «basées sur des recherches concrètes», «des effets documentés» et non inspirées par une simple militance idéologique. Une étude de la Commission des droits de la personne du Québec démontre que le corps professoral de l'Université Laval, dont elle fait partie depuis 1981, n'est pas «égalitaire». Par là, on n'entend pas 50 % d'hommes et 50 % de femmes, mais bien un ratio reflétant le nombre réel de personnes habilitées à occuper les postes dans chaque champ de compétence. Parmi les 1405 professeurs de l'UL, il y a en ce moment 461 femmes (33 %). Mais 129 de plus (590, 42 %) seraient nécessaires pour représenter avec fidélité la société et ses diplômés.