Yves Laframboise, qui habite sur Moncton, à la hauteur de Père-Marquette, a pris l'initiative de parler à ses voisins après avoir réalisé que les blocs de béton utilisés cet été pour dévier la circulation allaient passer l'hiver au coin de sa rue.
Les critiques ont fusé de toutes parts, raconte l'homme, et il a été décidé de les concentrer dans une pétition. «Le qualificatif qui revient le plus souvent, c'est : ridicule. On utilise des moyens démesurés par rapport au résultat espéré et obtenu», résume le leader du quartier. Il fait référence à la faible augmentation du nombre de cyclistes sur Père-Marquette alors que les automobilistes, eux, doivent multiplier les détours.
Pour affiner son concept de «vélo boulevard», qui doit permettre aux cyclistes de se rendre facilement de l'Université Laval à la colline parlementaire, la Ville de Québec a planté des aménagements temporaires faits de blocs de béton jaune et de poteaux de métal à cinq endroits sur Père-Marquette. Un seul reste en place cet hiver, à l'intersection de Moncton, afin de tester diverses techniques de déneigement.
Selon M. Laframboise, les comportements délinquants pullulent depuis. Les automobilistes, pressés, frustrés, roulent plus vite et négligent les arrêts obligatoires quand il n'y a pas de circulation à contresens, mettant en danger la vie des piétons. Les plus futés évitent même les obstacles en passant par les ruelles.
Les cyclistes, eux, roulent au milieu de la chaussée et négligent aussi les arrêts obligatoires afin de gagner en vitesse, quitte à frôler et à insulter les piétons, ajoute l'initiateur de la pétition. «La signalisation normale, plus personne ne la respecte», dit-il.
Une centaine de signatures ont déjà été accumulées pour réclamer le retrait du projet actuel. La pétition continue de circuler et sera déposée le 12 décembre au conseil d'arrondissement de La Cité-Limoilou.
Appui de Guérette
La conseillère municipale du secteur, Anne Guérette, appuie ce mouvement populaire. «On dirait qu'ils [les citoyens] ont lu dans mes pensées», lance-t-elle, confirmant que «le problème, c'est les terre-pleins».
Après s'être opposée à l'aménagement d'une piste cyclable au milieu du boulevard René-Lévesque, comme le suggérait la première version du plan de mobilité durable, Mme Guérette s'est montrée favorable à l'option Père-Marquette. Elle croit cependant que la circulation y est suffisamment lente et ordonnée pour éviter les aménagements bétonnés. «On ne met pas de mesures d'atténuation dans des rues où il n'y a pas de problèmes», insiste l'indépendante.
Celle-ci suggère plutôt d'investir dans une campagne de sensibilisation sur le partage de la route, de refaire l'asphalte, d'ajouter de la signalisation et du marquage au sol partout où circulent les cyclistes, ce qui inclut les grandes artères, comme René-Lévesque et le chemin Sainte-Foy.
Projet «pas parfait»
François Picard, vice-président du comité exécutif et responsable du dossier pour l'administration Labeaume, reconnaît que «le projet [de voie cyclable partagée] n'était pas parfait cette année». Certains problèmes de cohabitation ont été soulevés lors de la dernière rencontre du comité de suivi, qui juge toutefois le projet «très positif» dans son ensemble, assure-t-il.
Le bras droit du maire croit que les aménagements permanents, qui feront leur apparition l'an prochain, viendront renforcer la sécurité de tous les usagers de la route et apaiser les tensions. Quant à l'achalandage, il est convaincu qu'il va augmenter quand les obstacles seront levés à la hauteur des anciens terrains du Collège Bellevue et du Collège Saint-Charles-Garnier.
Loin de plier devant les critiques des résidants du secteur, M. Picard affirme que son équipe garde le cap et «va continuer à bonifier le projet».
«Si on s'arrête à toutes les pétitions qu'on reçoit, la Ville n'avancera jamais», dit-il.