Mon français est meilleur que le tien!

Il y a un mois, Eileen, une jeune femme qui veut étudier à l'étranger et apprendre le français, a demandé l'aide des internautes pour répondre à une question qui la tracassait.


Sur le site américain de Yahoo Answers, elle a demandé en grosses lettres : est-ce mieux d'étu­dier le français au Québec ou en France? Sur les 10 inconnus qui lui ont répondu, deux ont voté pour le Québec, six pour la France et les deux autres n'ont pas osé trancher.

Ceux qui plaidaient en faveur de l'Hexagone reprenaient des critiques qui font souvent soupirer les Québécois. «À Paris, ils diffusent des émissions québécoises à la télé et ils sont obligés de mettre des sous-titres, écrit Chrissy. Le français canadien, ce n'est pas du français, c'est du français canadien!»



Pour sa part, Nicole mettait en garde Eilen contre la prononciation et la syntaxe «différentes» des Québécois, qui pourraient lui faire prendre de mauvaises habitudes. Joseph the second, lui, recommandait sans hésiter la Fran­ce, le «pays d'origine» de la langue française. Et il ajoutait : «Il y a bien trop d'influence anglophone dans le français canadien.»

Cette semaine, pendant que le maire de Québec, Régis Labeaume, dénonçait l'anglicisation de Paris, le ministère de l'Éducation lançait une brochure pour convaincre les professeurs et les étudiants étrangers comme Eileen que le Québec est un bon endroit pour venir apprendre le français.

Mais est-ce mieux que la Fran­ce? À ceux qui croient que le Canada est un pays unilingue anglophone, la brochure intitulée Étudier le français au Québec rappelle d'abord que le français est la langue officielle du Québec depuis 1974 et que la charte de la langue française a été adoptée trois ans plus tard, en 1977.

Elle souligne que le français est la langue de l'État, du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires et qu'elle est au coeur de la vie culturelle québécoise.



La brochure précise aussi que 80 % des quelque huit millions d'habitants de la province parle français à la maison. Mais elle induit ses lecteurs en erreur en indiquant que 40 % des Canadiens sont bilingues (français et anglais), alors qu'en fait, 17,4 % des Canadiens et 40, 6 % des Québécois sont bilingues, selon les plus récentes données de Statistique Canada (2006).

La brochure ne mentionne pas non plus que Montréal compte moins de 55 % de francophones et que le français y recule d'années en années. Elle n'indique pas non plus qu'avec 95 % de francophones, Québec pourrait s'avérer plus propice à l'immersion en français.

«Pour un étudiant qui vient apprendre le français, le fait d'être dans un milieu qui est très majoritairement francophone crée pour lui un avantage, c'est-à-dire qu'il va avoir plus souvent l'obligation de s'exprimer en français», souligne la directrice de l'École de langues de l'Université Laval, Marise Ouellet.

«Le fait que Montréal est davantage multiculturel, ajoute-t-elle, va faire en sorte que les occasions de s'exprimer dans la langue maternelle vont être plus fréquentes.»

Et l'accent?

Reste qu'à Paris, Montréal ou Québec, c'est la volonté de l'étudiant à parler français qui détermine son apprentissage, précise Mme Ouellet. Dans les classes françaises et québécoises, on essaie d'enseigner un français neutre qui permet d'être compris dans toute la francophonie, indique Mme Ouellet.



L'accent change peut-être entre l'Hexagone et la Belle Province, mais il ne faut pas oublier que chacun a ses propres particularités régionales, note la directrice de l'École de langues. Un Parisien ne parle pas comme un Marseillais; un Montréalais ne parle pas comme un Gaspésien.

Au bout du compte, en France ou au Québec, dit Marise Ouellet, «le bon français, c'est celui dont vous avez besoin pour communiquer».