«Je ne m'attendais vraiment pas à ça, j'espérais seulement être dans le top 30 car je viens de compléter ma première année en physique à l'Université Laval et je n'avais pas vraiment eu le temps de pratiquer. J'étais plutôt relax», a déclaré le jeune prodige, qui fêtait ses 20 ans dimanche, à son arrivée à l'aéroport Jean-Lesage.
Francis a remporté l'épreuve reine du championnat de scrabble, soit la catégorie Élite en scrabble duplicate, une variante du jeu qui élimine le facteur chance puisque tous les joueurs utilisent les sept mêmes lettres, avec lesquelles ils doivent faire le meilleur score possible. Il a aussi pris la troisième place dans l'épreuve Blitz, où les concurrents ont une minute plutôt que deux pour placer leurs petites tuiles, et dans l'épreuve à huit lettres durant cette compétition qui s'étale sur une semaine.
Meilleur sans pratique
Le nouveau champion déclare que, paradoxalement, c'est quand il s'entraîne le moins qu'il obtient les meilleurs résultats. «L'an passé, j'ai remporté le Championnat du Québec et j'avais très peu joué en raison de mes études. On dirait que c'est bénéfique pour moi d'aérer un peu mes neurones», commente-t-il.
Francis a commencé à s'adonner au scrabble à l'âge de 13 ans, alors que ses parents habitaient Blainville, en jouant par Internet contre sa grand-mère. Il a rapidement eu la piqûre et s'est mis à s'entraîner à raison de deux heures par jour et à mémoriser des listes de mots. Il s'est ensuite inscrit dans un club, gravissant les échelons et le menant à un premier titre mondial.
Ce championnat, le deuxième remporté par un Québécois après celui de Germain Boulianne en 2004, lui a permis de remporter une bourse de 400 euros (environ 565 $CAN) en plus de voir toutes ses dépenses payées au championnat de 2012, qui aura lieu en France.
«Je prévoyais jouer beaucoup moins et me concentrer davantage sur mes études, mais maintenant je sais que j'irai défendre mon titre l'an prochain», a poursuivi le jeune homme, qui passera de la physique aux mathématiques cette année à l'Université Laval.
«Oui, je suis davantage un matheux qu'un littéraire. C'est le cas de la plupart des champions de scrabble, d'ailleurs. J'imagine que c'est à cause de l'esprit cartésien. J'y vais toujours de façon très méthodique, rangée par rangée et colonne par colonne», conclut-il.
Génie des lettres
Si Francis Desjardins demeure très humble quant à ses succès au scrabble, les membres de sa famille n'hésitent toutefois pas à parler de lui comme d'un véritable génie des lettres dont la rapidité est déjà légendaire lors des compétitions mondiales.
«Vous savez, Francis a déjà gagné une partie sur Internet en 32 secondes», raconte sa mère, Nicole Tremblay, une adjointe administrative qui se targue d'avoir transmis sa rapidité au clavier à son fils. «Il tape 160 mots/minute!» Mme Tremblay ne joue toutefois pas au scrabble et son mari Michel Desjardins non plus. «C'est décourageant de jouer contre lui!», lance d'ailleurs son actuaire de père.
Initié par sa grand-mère
Thérèse Tremblay, grand-mère du nouveau champion, peut cependant se vanter d'être celle qui l'a initié au jeu inventé par Alfred Mosher Butts. Elle avoue toutefois elle aussi qu'elle s'est rapidement lassée de se faire démolir par son brillant petit-fils. «À un moment donné, je lui disais "Tu triches-tu?" Je n'étais pas capable de le battre!», confie-t-elle.
Nicole Tremblay se souvient aussi de la première compétition de son fils dans un club de Laval, à l'âge de 13 ans. «La première journée, il a terminé quatrième sur 50 joueurs. Personne ne le connaissait et tout le monde se demandait d'où il sortait. Deux mois après, il se qualifiait pour les championnats du monde.»
S'est ensuivie une série de succès pour ce jeune loup du scrabble. Champion du monde cadet en 2005 et en 2006 et champion du monde junior en 2007, en 2008 et en 2009, il a ensuite remporté le Championnat du Québec l'an dernier avant son ultime consécration cette année, une compétition lors de laquelle il n'a perdu que 17 points en sept parties par rapport au score maximal possible.