Gestion de la construction et de l'entretien des routes: une agence au plus vite!

Depuis l'effondrement d'une structure du tunnel Viger, des voix réclament des améliorations au financement des infrastructures de transport.

Directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, Robert Gagné prêche en faveur d'une nouvelle gouvernance dans la gestion des infrastructures de transport au Québec.


«Il faut isoler le plus possible les décisions à long terme touchant la cons­truction et l'entretien des routes du pouvoir politique.»

«Non pas parce que les politiciens sont mauvais, a-t-il précisé au cours d'un entretien téléphonique avec Le Soleil, mais ils ont un agenda à court terme qui est contraire à une saine gestion sur un plus long horizon des infrastructures de transport.»



En mai, en collaboration avec le chercheur Alexandre Haarman, Robert Gagné publiait une étude révélant un lien entre la faible croissance de la productivité observée dans les entreprises et le ralentissement des investissements dans les infrastructures de transport causé par un «manque d'intérêt» des gouvernements au cours des 30 dernières années. Les chercheurs ont décidé de pousser plus loin leur investigation et publieront, à l'automne, une autre enquête qui évaluera, cette fois en espèces sonnantes et trébuchantes, les coûts économiques du relâchement des investissements. «Les politiciens n'ont pas décidé, un bon matin, de cesser d'investir pour entretenir le réseau routier. Sous la pression publique, ils se sont affairés à d'autres choses. Ils ont répondu à la demande de divers groupes pour investir ailleurs. Le nouveau modèle de gouvernance qu'il faudra mettre en place devra, d'une certaine manière, nous protéger contre nous-mêmes!»

La gouvernance d'abord

Depuis l'effondrement d'une structure du tunnel Viger à Montréal, il y a une dizaine de jours, des voix se font entendre pour réclamer le retour du péage sur les routes afin d'améliorer le financement des infrastructures de transport. D'autres proposent l'imposition d'une taxe spéciale sur l'essence.

Pour Robert Gagné, il faut surtout éviter de mettre la charrue devant les boeufs. «Il faut d'abord régler la question de la gouvernance», insiste-t-il en suggérant la création d'une agence qui aurait les coudées franches pour devenir le maître d'oeuvre de la construction et de l'entretien des routes. Dans les suites de l'effondrement du viaduc de la Con­corde à Laval en 2007, le gouvernement s'était engagé à créer une nouvelle agence qui s'occuperait des 10 000 ponts et viaducs au Québec. Rien n'a été fait.



En Suède, par exemple, le gouvernement a mis sur pied l'Office national des transports, Trafikverknet, une organisation indépendante mise au monde en 2010 qui est responsable de toutes les lois réglant les transports routiers, ferroviaires, aériens et maritimes et qui est tenu de construire, de maintenir et d'entretenir les routes nationales à partir d'une planification échelonnée jusqu'en 2021.

«Le gouvernement fixe les grands objectifs et vote des budgets pluriannuels et laisse des gestionnaires professionnels, qui sont imputables devant le Parlement, prendre les décisions», explique Robert Gagné. Il souligne qu'une agence québécoise pourrait tirer une partie de son financement à partir d'une taxe sur l'essence ou de péage sur les autoroutes. Il reste que la construction et l'entretien des routes au Québec coûteront toujours plus cher qu'ailleurs, affirme le chercheur. «Le Québec, c'est vaste et c'est peu densément peuplé et il est soumis à un climat rigoureux. Les enjeux liés à la mobilité et à la sécurité des personnes et des marchandises sont importants. Veux, veux pas, nous devrons y consacrer une partie importante de notre richesse collective étant donné ces conditions géographiques.»