Après cinq ans d'itinérance à Québec, l'ermite de 53 ans s'est construit un abri de fortune sous les arbres, dans un petit fossé en bordure d'un chemin de fer, près de la rivière Saint-Charles et du boulevard Père-Lelièvre.
Avec son chèque d'aide sociale, il s'est acheté un vieil abri d'auto et a mis une autre toile sur le sol pour empêcher l'eau d'entrer. Autour, il a éparpillé des dizaines de bouts de planches pour ne pas marcher dans la boue.
Cet hiver, il s'est emmitouflé dans les tas de couvertures qu'il a ramassées et lui ont permis de ne pas mourir gelé quand il faisait - 30. «J'ai eu froid, dit-il en se faisant réchauffer une soupe au boeuf teriyaki sur le feu. Mais j't'encore là.»
Michel Côté n'est pas allé chez le coiffeur depuis longtemps, sa barbe est mal rasée et ses ongles sont longs et sales. Quand nous l'avons rencontré, mardi, il portait un vieux jean, un chandail de touriste et une grande veste de polar beige. Depuis longtemps, il a cessé de vouloir plaire.
Chaque jour, il fait une tournée des bacs à ordures pour trouver du pain, des biscuits secs et des boîtes de soupe au boeuf teriyaki. Souvent, il tombe aussi sur des vêtements ou des appareils électroniques comme le baladeur et les écouteurs bleus qu'il préfère laisser sur ses oreilles même quand la musique ne joue pas.
Passé vague
Originaire de Saint-Charles-Garnier, à une soixantaine de kilomètres de Rimouski, M. Côté reste évasif sur ce qui l'a mené à l'itinérance. Il se contente de dire qu'il a fait plusieurs petits boulots durant sa vie et qu'il ne parle plus depuis longtemps à sa famille.
Michel Côté vit dans la région de Québec depuis 24 ans. Il a fait trois mois de prison en 2005 pour une histoire de menace et de voies de fait dont il ne veut plus parler. À sa sortie de tôle, il a appris que la cabane qu'il louait à Stoneham avait brûlé. «Je me suis retrouvé avec rien, dit-il. Je ne savais pas où aller.»
Durant cinq ans, il a dormi dans les parcs d'à peu près tous les quartiers de Québec. Avant que le pont Scott soit rénové, il dormait en dessous. Puis, au printemps 2010, il a découvert ce petit coin boisé de Vanier sur le bord du chemin de fer et a décidé qu'il ne serait plus sans-abri.
M. Côté dit que le CN tolère sa présence et que la police de Québec lui a déjà rendu visite. «Ils me laissent tranquille. Je dérange personne.»
Avant d'être itinérant, l'homme louait un logement dans une maison de chambres. Une grosse partie de son chèque d'aide sociale passait dans son loyer et il avait parfois du mal à s'entendre avec les autres locataires.
«Maintenant, dit-il, je suis chez moi et ça me coûte rien.» Pas de loyer, pas d'électricité, pas de téléphone, pas d'Internet. Le soir, il s'éclaire à la chandelle.
Il n'a pas de toilette non plus. Il fait ses besoins dans un petit coin de terre où il jette aussi ses pelures de clémentine. «On peut faire du compost avec n'importe quoi. Même avec de la merde.»
Quand il ne fait pas sa tournée des bacs à ordures, Michel Côté poursuit les rénovations chez lui. Avec les planches de bois éparpillées, il aimerait faire quelque chose de plus ordonné, un genre de parquet.
M. Côté dit qu'il reçoit parfois la visite d'anciens amis de la rue. Sinon, il boit une bière et fume une cigarette en paix. Seuls les écureuils viennent le déranger. Ou le train, qui passe trois ou quatre fois par jour.
Mardi midi, un soleil de printemps plombait sur le refuge de M. Côté. Le quinquagénaire nous a montré où il avait semé des graines pour faire pousser des oignons et des carottes, mais aussi plusieurs sortes de fleurs qui délimiteront son terrain.
«Je pense que je vais rester ici pour un bon bout, dit-il. En tout cas, j'espère.»