La cause a une incidence majeure puisqu'elle a un impact sur toutes les unions de fait au Québec, la seule province canadienne qui, en vertu de son Code civil, refuse ce droit aux conjoints de fait.
Paradoxalement, c'est au Québec que l'on retrouve le plus d'unions de fait, où elles représentent près de 35 % des couples et 1,2 million de personnes. La grande majorité des enfants québécois, soit 60 % d'entre eux, sont issus de ces couples.
Un premier jugement avait plutôt donné raison à son ex-conjoint Éric, qui soutenait avoir justement choisi l'union de fait pour éviter, entre autres, cette obligation.
La Cour d'appel avait toutefois jugé que l'article du Code civil du Québec portant sur l'obligation alimentaire est discriminatoire envers les conjoints de fait parce qu'il les prive d'un droit qui est garanti aux couples mariés et ceux en union civile.
Le tribunal avait donné un an au gouvernement du Québec pour revoir l'article 585 du Code civil mais, tout comme la décision, le délai ne s'applique plus et c'est plutôt la décision du plus haut tribunal qui dictera l'échéancier.
Réaction du ministre Fournier
Le ministre de la Justice du Québec, Jean-Marc Fournier, a dit s'attendre à ce que le plus haut tribunal trace la voie à suivre, tout en espérant qu'il le fasse de manière moins contraignante que le tribunal inférieur, à qui il reprochait de s'être substitué au législateur.
«Il est important d'avoir tous les paramètres, a dit le ministre. La Cour d'appel avait plus que limité la capacité du législateur de faire des choix. La Cour d'appel avait presque fait une loi à la place de la société représentée par ses élus. Il est important de connaître l'ensemble des marges de manoeuvre pour que les meilleurs choix soient faits.»
Réaction des avocats
Les avocats des deux parties ont réagi au moyen de communiqués courts et prudents.
Ceux d'Éric ont dit ne pas être surpris de voir le plus haut tribunal se pencher sur la décision puisqu'elle touche de très nombreuses personnes au Québec et soulève des questions d'intérêt public.
Ils ont rappelé «que cette affaire concerne la validité de dispositions du Code civil du Québec, non pas le comportement de l'intimé, qui a été attiré contre son gré dans ce débat constitutionnel».
Le commentaire est encore plus bref du côté de Lola, dont le procureur s'est dit «heureux de la décision du plus haut tribunal» d'entendre la cause.
Réaction de la FAFMRQ
Pour sa part, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ), qui est intervenue comme partie intéressée dans le dossier, espère qu'il s'agit du dernier droit.
L'organisme maintient que la question d'une pension alimentaire des conjoints de fait se rattache au droit des enfants puisque ceux-ci souffrent des revenus diminués des conjoints de fait. Pour la Fédération, il est clair que ces enfants sont victimes de discrimination.
La Cour d'appel lui avait d'ailleurs donné raison, soulignant que la qualité de vie des enfants ne peut que se détériorer lorsqu'ils sont sous la garde d'un ex-conjoint qui était autrefois financièrement dépendant et qui se voit privé d'une pension alimentaire.
La directrice générale de la Fédération, Sylvie Lévesque, voit dans l'intervention du plus haut tribunal une chance de clore le débat, bien que tardivement.
Clore le débat
«Nous souhaitons que le débat se poursuive: c'était l'objectif quand nous sommes intervenus dès le départ. Sauf que ça fige le dossier parce que, le temps que la Cour suprême donne son avis, nous devons attendre», a-t-elle dit.
Mme Lévesque se demande toutefois ce que la Cour suprême pourrait ajouter de plus.
«Le gouvernement du Québec, selon ce qu'a dit le ministre Fournier en décembre, veut avoir des balises. La Cour suprême va-t-elle lui en donner des nouvelles? Dans le fond, si c'est comme ça dans tout le reste du Canada, pourquoi la Cour suprême ne dirait pas justement qu'au Québec aussi ça se fera de la même manière?»
Si le jugement devait être confirmé, le droit familial et matrimonial canadien dans son ensemble ne conserverait plus qu'une différence majeure entre des gens mariés et des conjoints de fait, soit le partage du patrimoine familial. Lola - et, de ce fait, le reste des conjoints de fait québécois - n'avait en effet pas obtenu le droit au partage du patrimoine familial, la Cour suprême ayant déjà déterminé dans une autre cause que ce droit ne s'acquiert qu'avec le mariage.
Lola et Éric sont des noms fictifs, leur identité étant gardée confidentielle par les tribunaux afin de protéger leurs enfants.