Fin du lock-out au Journal de Montréal: la CSN jure avoir tout essayé

Au lendemain de l'acceptation des offres patronales, plusieurs syndiqués amers ont reproché à la CSN de s'être «écrasée» et d'avoir mal préparé son affrontement contre Quebecor.

Devant les critiques lui reprochant son manque de combativité dans le très long et très dur conflit au Journal de Montréal, la présidente de la CSN persiste et signe : Claudette Carbonneau jure que «tout, tout a été fait» pour éviter un dénouement qui se traduit par le départ des deux tiers des membres de la salle de rédaction.


L'amertume s'étalait à pleines pages dans les médias, lundi. Au sortir de l'assemblée générale sanctionnant l'acceptation des offres patronales, plusieurs syndiqués ont reproché à la CSN de s'être «écrasée» devant Quebecor, le propriétaire du quotidien en lock-out depuis janvier 2009.

Certains croient que les méthodes de la CSN sont dépassées. «Ce n'est pas en gonflant des ballons rouges et [en brandissant] des pancartes» que se gagne un affrontement avec un patron qui s'est méticuleusement préparé à une guerre, s'est fait dire Le Soleil.



Lors d'une entrevue téléphonique, Claudette Carbonneau a rejeté les accusations. «L'argent [pour soutenir les travailleurs], les campagnes de publicité et de boycottage, les manifs, les appels aux autres centrales et aux groupes communautaires, tout a été essayé.»

Selon elle, il est faux de dire que son organisation n'a pas eu recours à «des moyens du XXIe siècle». Les réseaux sociaux, «nous étions sur ça. Les pressions sur les administrateurs [de fonds d'investissement éthique, par exemple], les rencontres [avec les administrateurs de] la Caisse de dépôt et de placement, tout cela a été fait».

Sur le site Internet de Rue Frontenac, le quotidien électronique mis en ligne par les lockoutés, le chroniqueur Yves Chartrand a lancé que la centrale «passera à l'histoire» pour avoir «fait en sorte qu'un patron de droite, décidé à se débarrasser d'un syndicat, puisse y arriver s'il y met les moyens. [...] Claudette Carbonneau est la première responsable de la pire défaite syndicale depuis belle lurette».

La syndicaliste réplique que c'est faire bon marché de la réalité. Le «véritable rapport de force» se traduisait ainsi : «un employeur sacre 250 personnes sur le trottoir [...] continue de publier son journal» et conserve «son lectorat et ses annonceurs».



Mme Carbonneau insiste que tout s'est joué sur l'immense trou qui s'est creusé dans l'application de la loi antibriseurs de grève, loi que le gouvernement se refusait à retoucher tant que le conflit perdurait. Maintenant que c'est terminé, la CSN veillera à ce qu'il y ait des changements, promet-elle.

«Ce n'est pas plus moral de franchir les piquets de grève de façon électronique que de le faire physiquement.» D'ailleurs, d'autres travailleurs, dans bien d'autres domaines, sont vulnérables, a-t-elle laissé entendre. Dans le secteur de la recherche, en administration, avec le télé-travail, «les nouvelles technologies ne sont pas le propre des médias».

Claudette Carbonneau s'est montrée particulièrement vexée par le chroniqueur de La Presse, Patrick Lagacé. Il l'a accusée de «servir de carpette à Pierre Karl Péladeau», le patron de Quebecor, d'avoir dédaigné de poser «un geste d'éclat», de s'être «tenue loin, très, très loin du champ de bataille».

Des gains limités

«J'aurais pu me faire brûler vive sur la place publique, cela n'aurait rien changé à la dure réalité. Les gens se trompent de cible. C'est quand même pas la CSN qui les a foutus en conflit!»

Mme Carbonneau a insisté sur le fait que «c'est très clair que ce règlement [final] ne fait plaisir à personne, moi la première». Mais elle a réitéré que des gains, limités et peu nombreux, ont été enregistrés entre la proposition patronale d'octobre et celle qui a été entérinée par les syndiqués. Le travail, par exemple, reprendra avec 62 personnes, non pas 49; l'abandon de la clause de non-concurrence et le maintien de Rue Frontenac sont «un plus».



Lundi, le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec s'est désolé du dénouement de «ce combat inégal» entre les syndiqués et leur employeur.

«L'effet combiné de la concentration de la presse et de la convergence au sein de Quebecor couplé à une loi antibriseur obsolète ont irrémédiablement faussé la négociation», a commenté Brian Myles.