Une envolée pour les anges

Plus de 250 personnes ont pris part à la cérémonie de la Fête des anges à l'église de la Nativité de Beauport, hier.

C'est sous le thème Les rêves envolés que s'est tenue samedi à l'église de la Nativité de Beauport la Fête des anges, une cérémonie visant à honorer la mémoire d'enfants morts durant la grossesse ou leur première année de vie.


«C'est l'occasion pour les parents de se rappeler le deuil qu'ils ont dû vivre en perdant leur bébé», souligne Nathalie Gauthier, qui organise l'activité à Québec depuis trois ans. Durant la cérémonie d'environ une heure trente, des parents ont fait part de leur expérience et ont lu des poèmes en mémoire de leur enfant disparu trop tôt. Un lampion a été allumé pour chaque bébé décédé, et la fête s'est terminée par une envolée de ballons sur le parvis de l'église.

Plus de 250 personnes ont pris part à la cérémonie. «Jamais autant de parents n'étaient venus pour se souvenir», ajoute Mme Gauthier.



La Fêtes des anges a lieu le 15 octobre, reconnu journée du deuil périnatal dans plusieurs pays. Depuis deux ans, l'Association des parents orphelins s'efforce de sensibiliser la population à l'épreuve que doivent traverser chaque année les quelque 500 parents québécois dont l'enfant meurt en très bas âge. «On trouvait qu'il manquait de ressources, qu'il n'y avait pas de voix officielle pour la cause du deuil périnatal. Le but de l'Association est aussi de donner de l'information et de regrouper les parents qui ont vécu ce genre de deuil pour qu'ils puissent échanger et tisser des liens entre eux», explique la cofondatrice, Véronique Latte, venue assister à la cérémonie.

«Le manque est tellement important quand tu sors de l'hôpital avec un bébé qui vient de mourir. Beaucoup de parents ne savent pas quoi faire par la suite», continue la porte-parole de l'Association, Mélanie Gagné, dont le fils Matisse, atteint d'une malformation des intestins, n'a vécu que 32 heures. «Pour se rappeler qu'il avait existé on a passé une journée en sa compagnie à prendre des photos de lui. Tout le monde l'a bercé, ensuite on l'a fait baptiser avant de le débrancher.»

Un service de café-causerie a été mis en place par l'Association. Des bénévoles aident les parents qui en font la demande à rapatrier un dossier médical ou à obtenir des services funéraires gratuits.

Drame tabou



Véronique Latte a eu l'idée de fonder une association à la suite du décès de sa fille Maélie. Née le 31 mars 2006, l'enfant qui souffrait de malformations cardiaques est morte sept jours plus tard d'hémorragies cérébrales sévères. «Les médecins n'avaient pas décelé ses problèmes de santé. C'est seulement après avoir accouché qu'on a su qu'elle n'était pas viable.»

Un tabou entoure ce type de deuil, croit Mme Latte. «Je pense que c'est parce qu'on doit faire le deuil d'un avenir qu'on avait imaginé pour notre enfant, plutôt que le deuil de souvenirs partagés avec quelqu'un. Le manque dans ce cas provient de quelque chose qu'on ne verra pas.»

Véronique Latte et Mélanie Gagné sont de nouveau enceintes. Les deux femmes ont confiance que cette fois tout ira pour le mieux, même si elles ne seront pas complètement en paix avant de tenir leur bébé dans leurs bras. «La grossesse qui suit un deuil périnatal n'est jamais parfaitement zen», confie Mme Latte.

Deuil silencieux pour le père

Trop souvent, les pères vivent leur deuil en silence. «Le père est présent, mais malheureusement on entoure spontanément la maman. Et quand elle va mieux, c'est le père qui s'effondre, quand il a fini de la tenir à bout de bras», reconnaît Chantal Blouin, à qui les médecins ont annoncé le jour de la Saint-Valentin 2009 que les jumeaux qu'elle portait étaient morts.

«Je n'ai pas caché mon deuil, mais presque. Sur le coup, Il fallait que je soutienne ma conjointe. Mais quand elle a commencé à aller mieux, c'est moi qui ai été frappé. On ne vit pas le deuil en même temps», explique Martin Perron. Une échographie avait révélé qu'un des bébés était mort étranglé par le cordon ombilical. L'excès de pression sanguine qu'a dû subir le deuxième a fait flancher son coeur.



«Quand on t'annonce ça, tes émotions sont comme gelées parce que t'es là pour aider. Ce n'est pas conscient, c'est juste comme ça. Tu as l'impression d'être seul au monde, encore plus quand tu es le père. J'étais stressé, j'avais peur de sortir et de croiser quelqu'un qui me demanderait comment ça va.»

Martin Perron affirme que les ressources l'ont grandement aidé. «Au début, chaque étape est comme un mur infranchissable. Mais je suis allé dans des groupes de rencontre, et c'est en discutant avec d'autres pères qui avaient vécu la même chose que ça a commencé à aller mieux. L'important, c'est que les gens sachent qu'ils ne sont pas seuls.»

Quand un bébé décède in utero après 20 semaines de grossesse, la mère a droit à une portion du congé maternité qui varie entre 15 et 18 semaines. Le père, lui, n'a droit à rien. «Ce qui est le plus pénible, c'est qu'on n'a pas de congé paternité. Nous, on doit retourner au travail», indique M. Perron.