Et il tient un bon point, il faut dire, puisque le mot met effectivement beaucoup de gens différents dans un même panier. «Ça a l'air psychotique, dit comme ça. Mais les théories du complot, tu n'adhères pas nécessairement à toutes. [...] Il y a des gens avec des doctorats, très sains, très rationnels, qui adhèrent à certaines théories. Il faut y aller au cas par cas», dit le jeune informaticien.
Les histoires olé olé comme les chemtrails, très peu pour lui. Son dada, c'est le Nouvel Ordre mondial - avec un petit faible pour le «groupe de Bilderberg», une réunion informelle regroupant chaque année une centaine de personnes (très) influentes, et dont les discussions sont tenues secrètes.
«Il y a une vision ultraconspirationniste du Nouvel Ordre mondial, où une poignée de personnes contrôleraient le monde entier, mais je ne pense pas que cela soit le cas, dit-il. [...] Je vois ça plutôt comme des réseaux d'influence. Est-ce que ce sont eux qui mènent le monde? Je ne veux pas aller dans la caricature. Ce n'est sûrement pas un contrôle total. [...] Mais ce n'est pas normal, quand on voit toute l'attention qu'il y a autour d'une réunion du G20, qu'il y ait tant de gens influents qui se réunissent à un endroit sans qu'il y ait un mot à ce sujet dans les médias.»
On a déjà vu moins nuancé que lui, disons. Le conspirationnisme devrait donc être vu comme une sorte de continuum plutôt qu'un bloc monolithique.
Ex-avocat de Montréal, Jacques Marcille, membre du groupe Montreal 9/11 Truth, fait la même nuance que M. Décarie-Mathieu : «Je ne crois pas qu'il y a un centre de comploteurs. C'est comme une tendance, une mouvance...»
Mais, lui, va plus loin : «Ces élites-là ont le temps, l'argent, et ont accès à tous les spécialistes qu'ils veulent pour comprendre une situation [et agir dessus].» Ce qui inclut, croit-il, lancer deux avions sur des gratte-ciel de son propre pays. «Je ne dis pas qu'Al-Qaida n'a pas participé aux attentats du 11 septembre. Mais [...] Al-Qaida, c'est un mouvement terroriste, et tous les mouvements terroristes sont contrôlés par les militaires occidentaux actuellement. C'était la même chose pour le FLQ [Front de libération du Québec, dans les années 60].»
Les «élites» ont la vie plutôt facile de ce point de vue, soutient M. Marcille, parce qu'«il y a toujours une petite minorité qui fantasme sur la violence. Alors, tout ce que les autorités ont à faire, c'est de la trouver et de la manipuler.» Le FLQ, croit-il, aurait ainsi été le pantin des services secrets canadiens pour discréditer, par sa violence, l'idée de souveraineté. Et les militaires américains auraient téléguidé Al-Qaida afin d'avoir un prétexte pour s'en prendre aux libertés civiles...
Quelques «théories» célèbres
> «Houston, we have a problem» Les Américains n'ont jamais posé le pied sur la Lune, assurent d'aucuns. En fait, tout cela serait un canular filmé en secret à Hollywood par un régime en mal de prestige. Rien de moins. Il y a eu des milliers de personnes impliquées dans la conquête lunaire - sans compter que l'on pouvait aisément identifier la provenance des émissions radio, ce qui ferait encore plus de gens au courant -, mais tout ce beau monde aurait continué de jouer le jeu pendant 40 ans.
> Les sages de Zion C'est la mère de toutes les théories du complot. À croire certains illuminés qui voient des ficelles hébraïques partout, les Juifs domineraient secrètement la planète et en profiteraient pour s'enrichir indécemment - même qu'en creusant un peu, on devrait pouvoir les accuser de l'extinction des dinosaures, à la fin du Crétacé. L'Holocauste et les siècles de pogroms qui ont précédé devraient pourtant convaincre n'importe qui que leur influence n'a rien de spécial.
> Le faux Beatles Les Beatles ne se sont pas séparés avant 1970, mais leur bassiste serait mort en 1966, veut le mythe. Cela expliquerait pourquoi ils n'auraient presque plus donné de spectacles après cette année-là. Le groupe aurait tout de même engagé un sosie pour cacher la tragédie, mais de subtils «indices» auraient aussi trahi la mascarade - notamment le fait que, sur la pochette de l'album Abbey Road, McCartney est le seul qui soit nus-pieds et il ne marche pas au pas. Désolé pour les fans de Wings...