Pédaler pour les enfants soldats

Les jeunes Jamie Macdonald, Sandy Macdonald, Benjamin Gunn-Doerge et Matthieu Hallé accompagnent l'unicycliste Philip Schleihauf (au centre) dans son périple d'Ottawa à St-John's.

Philip Schleihauf a roulé de Victoria à Ottawa sur son unicycle l'an dernier dans le but d'attirer l'attention des médias sur sa cause : les enfants soldats. Cette année, quatre autres jeunes, ceux-là sur deux roues, se joignent à lui pour atteindre l'autre océan, à Terre-Neuve, 1800 km plus loin. «Beaucoup de gens ne savent pas qu'il existe des enfants soldats et quand ils l'apprennent, ils sont dégoûtés», dit l'un d'eux, Benjamin Gunn-Doerge.


Les cinq jeunes de 15 à 19 ans sont à Québec depuis samedi. D'Ottawa à Saint-John's, ils ont prévu visiter 24 villes pour sensibiliser les gens à la cause des enfants soldats. Pour y parvenir, ils ont leur jeunesse, leurs jambes, leur fougue... et de la peinture rouge. Ils ne veulent pas d'argent. «Avec l'argent, c'est plus difficile que les gens s'impliquent», explique Benjamin.

«On ramasse des empreintes de main rouges, le symbole international pour les enfants soldats, poursuit-il. On va envoyer ces empreintes aux médias. On se rend compte que dans les médias, il n'y a pas assez d'information sur les enfants soldats. C'est donc une sorte de pétition tangible par laquelle on demande aux médias d'accorder plus d'attention aux conflits dans lesquels des enfants sont impliqués.»



Manque de sensibilisation

Ils ont remarqué que la cause touche réellement les gens, pour peu qu'ils soient au courant. «Si plus de gens sont au courant, ils trouveront ça inacceptable et commenceront à entreprendre des actions pour que ça cesse, parce que c'est quelque chose qui ne devrait pas exister», ajoute Benjamin.

Si les cinq cyclistes ont eu la chance de grandir au Canada, ils se sentent néanmoins liés à ces jeunes qui, eux, ne l'ont pas eue. «C'est injuste s'il y a d'autres enfants dans le monde qui n'ont pas le même droit fondamental d'être des enfants comme moi je l'ai eu, c'est-à-dire de pouvoir aller à l'école, de pouvoir jouer, d'avoir du plaisir, ces choses simples», souligne Benjamin en disant que c'est ce qui les a poussés à agir.

Effet d'entraînement



Après la sensibilisation, les cyclistes espèrent un effet d'entraînement pour faire bouger les choses. Si on en parle davantage, «il y aura de la pression sur les gens qui ont le pouvoir de prendre des décisions et d'élaborer des politiques parce qu'ils verront que c'est une cause que les gens ont à coeur», soutient Philip, l'unicycliste. «On espère que les gouvernements vont bouger parce qu'un pays comme le Canada a beaucoup d'influence pour exercer des pressions politiques sur les gouvernements des autres pays», abonde Benjamin, en anglais, petit détail auquel les cinq anglophones n'avaient pas vraiment pensé avant de faire campagne au Québec...

«Aujourd'hui, dans le monde, il y a de 250 000 à 300 000 enfants soldats, déplore le jeune homme. Plusieurs d'entre eux sont enlevés, ils sont victimes d'énormément de violence, il y a aussi beaucoup de filles soldates qui deviennent des esclaves sexuelles.»

Selon la Coalition pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats, des jeunes de moins de 18 ans étaient utilisés dans les armées nationales de neuf pays de 2004 à 2007 : le Myanmar, le Chad, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Soudan, l'Ouganda, Israël, le Yémen et le Royaume-Uni. Mais la grande majorité des enfants soldats sont dans les rangs de groupes armés non gouvernementaux de 24 pays, comme les Forces armées révolutionnaires de Colombie ou les Tigres de libération de l'Eelam tamoul.

Une pensée qui fait vite oublier la fatigue, les bris mécaniques et les nombreux orages qu'ont traversés les cinq cyclistes. «C'est quand même facile de monter sur nos vélos, sachant qu'on le fait pour une bonne cause. Et aussi, si on se compare aux milliers d'enfants soldats dans le monde, avec tout ce qu'ils doivent affronter : la servitude, la malnutrition, les abus, les violences... on réalise que c'est bien peu de choses et qu'au fond, il y a aussi le plaisir qu'on a de faire du vélo», philosophe Benjamin.