Bien connu pour sa verve passionnée et son combat pour la préservation de la langue française, Sébastien Ricard a marqué le coeur des cinéphiles en 2009 avec une interprétation sentie du chanteur Dédé Fortin dans le film Dédé à travers les brumes.
Outres quelques présences au petit écran (Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Fortier), ce diplômé de l'École nationale de théâtre a également fait ses marques sur les planches.
Souverainiste convaincu et avoué, son parcours patriotique a toutefois pris son envol en 2009 sur les plaines d'Abraham. Après des semaines de controverse entourant les commémorations du célèbre champ de bataille, Batlam (son nom de scène) a été l'un des principaux artisans du Moulin à paroles, cet immense récital en plein air.
«J'ai le souvenir de 24 heures où des gens écoutaient en silence, assis des heures durant, la parole des gens qui les avaient précédés. Je pense qu'on sous-estime la puissance de la parole, du discours et de l'adresse aux gens», a raconté Sébastien Ricard, en marge d'un souper en son honneur tenu dans les voûtes de la maison Chevalier à Québec.
Nouvelle tradition?
Le Moulin à paroles fait toujours vibrer ce patriote fraîchement élu. L'artiste s'est même donné comme mission de transposer un peu l'esprit du Moulin dans une tradition annuelle où l'on céderait pendant un instant le micro à un écrivain tous les soirs de Fête nationale sur les plaines d'Abraham. L'auteur retenu serait sélectionné un an à l'avance, afin qu'il fignole sa prose nationaliste, propose Sébastien Ricard.
«Il faut instituer un moment dans la Fête nationale qui soit consacré à l'émotion vraiment propre de ce que le discours peut susciter chez le monde. Du coup, tu obliges les gens à se compromettre. Pas de dire : "Je suis souverainiste". Non, c'est pas ça. Mais juste de dire ce que c'est que d'être Québécois le jour de la Saint-Jean-Baptiste. Sachant que la télévision te filme lorsque tu parles... Ça donne une importance aux mots et aux discours de gens qui ne sont pas connus, et qui sont très bénéfiques à la cause.»
Verbomoteur et enflammé, l'auteur-compositeur préférerait toutefois céder un peu la parole. À tous les soirs où Loco Locass grimpe sur scène, ses comparses et lui prennent le micro, et n'ont aucune crainte d'aborder la question nationale. Plus visible sur le plan médiatique, Sébastien Ricard n'en finit plus de s'exprimer sur la nation québécoise. Et il aimerait bien partager un peu la tâche de porteur de flambeau.
«Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'artistes qui prennent position ouvertement sur l'avenir politique du Québec. Moi, je le fais depuis le début, comme membre du groupe Loco Locass, comme comédien. Je n'ai jamais eu de gêne de parler de ça. C'est quelque chose d'un peu rare, alors ça me surprend pas tant que ça qu'on me reconnaisse.»
Militant pour le rester
S'il souhaite entraîner dans son sillon la nouvelle génération de nationalistes, le comédien n'est pas prêt de cesser son militantisme. Bien au contraire. «Plus j'avance en âge, plus les considérations politiques deviennent indissociables de ma démarche artistique», résume-t-il.
Dans la course au titre de patriote de l'année, Sébastien Ricard a devancé, lors d'un scrutin tenu en ligne, l'auteur-compositeur-interprète Raymond Lévesque et l'homme de théâtre Paul Hébert.
«Pathétique»
Avec les reportages entourant le 30e anniversaire du référendum de 1980, certains porte-voix souverainistes ont avancé que les jeunes soutenaient avec peu de vigueur l'idée de l'indépendance. Des propos qui font bondir le chanteur Sébastien Ricard.
«C'est pas une idée qui appartient à une seule génération. Même si elle en a fait beaucoup, cette génération-là, de déclarer sa fin, c'est vraiment assez déplorable comme legs. C'est une idée dont la puissance révolutionnaire demeure intacte à mon avis. Et c'est à nous, notre génération, d'y insuffler quel-que chose de vital, de vivant. Mais de décréter sa fin, c'est pathétique.»
Ce souffle vital, il tente de le générer sur scène avec Loco Locass. Le groupe rap au vocabulaire déroutant est toutefois conscient des con-traintes de cette approche. «À chaque fois que tu prends la parole sur une scène, c'est pas gagné, explique Sébastien Ricard. Il faut que tu réfléchisses à ce que tu veux dire, surtout quand tu arrives pour parler de cette chose-là. Il faut que tu fasses vibrer le monde, il faut que tu leur donnes le goût. À chaque fois, c'est un pari risqué.»