Ana Sanchez, du Pérou, Daniela Vrdoljak, de Croatie, Daina Sidares, d'Angleterre, Cara Forke, des États-Unis, Nutnicha Ek-Anathum, surnommée «Sai», de la Thaïlande, et Tobias Ertl, d'Autriche, partagent le même sentiment : la personne qui retournera à la maison fin juillet ne sera pas la même que celle qui est partie 10 mois plus tôt.
S'immerger dans une nouvelle culture, vivre dans des familles d'accueil québécoises, avoir des rencontres régulières avec les autres jeunes du groupe d'échange force la nature à une adaptation assez rapide. Pour eux tous, c'est l'expérience de devenir citoyen du monde dans l'apprentissage des différences et dans la tolérance. Une expérience qui change leur vie, leur regard sur le monde et qui les marque profondément.
C'est ce que confirme aussi Sophie Dion, de retour à Lac-Beauport après un stage du Club Rotary de 10 mois en Australie, où elle s'est imprégnée de la culture et de la langue dans une famille d'accueil, comme plusieurs autres jeunes de son âge.
«Je ne suis plus la même, affirme-t-elle. Ce fut la pire année de ma vie au départ, mais la plus belle aussi, lance la jeune femme de 18 ans. Je n'ai plus les mêmes amis. Certains sont restés, d'autres sont partis. Mais je ne vois plus la vie et le monde de la même manière. J'ai appris à me dépasser, à ouvrir mon esprit à d'autres cultures.»
Une quinzaine de jeunes de 16 à 18 ans sont dans la région de Québec depuis août dernier, et autant de jeunes Québécois sont à l'étranger pour la même période. Ils ont quitté la quiétude familiale pour changer de pays, de langue, de vie, d'école, d'amis pendant une dizaine de mois grâce au programme d'échange jeunesse du Club Rotary.
Ils ont adoré Québec, sa nature, son côté européen dans l'univers de l'Amérique du Nord. Deux choses les ont frappés : le sentiment de fierté des Québécois avec le sentiment nationaliste et la protection de la langue, et, plus anecdotiquement, l'amour du hockey.
Le petit groupe, venu visiter Le Soleil pour voir de l'intérieur comment se construit un journal au quotidien, n'avait aucune idée de ce qu'était le Québec avant d'y fouler le sol.
Daina voulait apprendre le français, mais la France est trop proche pour que ce soit un dépaysement. Le Québec s'imposait. Pour Cara, la jeune états-unienne, c'est sa mère qui l'a convaincue de venir chez «les rebelles de l'Amérique du Nord». «Ce n'est pas tellement loin de chez moi, ajoute-t-elle, mais c'est tellement différent.»
Pour Tobias, ce fut comme un éclair. La France était trop proche, mais la langue française l'intéressait. Son intuition le pousse vers Québec. Et pour «Sai», qui a voyagé beaucoup, le Canada, c'était l'anglais. Elle ne savait pas encore qu'on parlait français au Québec.
«C'est plus facile pour moi d'apprendre le chinois ou le japonais, lance-t-elle. Mais le français, ce n'est pas le même alphabet et c'est plus difficile à prononcer. Et la culture est très différente.» Elle qui vit au centre-ville de Bangkok, se sent à la campagne même en plein centre-ville de Québec!
Les ennemis du voyage
Les ennemis d'un tel voyage : Facebook, MSN et les autres réseaux sociaux, qui permettent de garder le contact avec le pays, mais qui peuvent ralentir l'intégration dans l'expérience. Les amis à la maison ne peuvent pas comprendre ce que l'on vit ici, diront-ils, chacun à leur manière. À la maison, parents et amis ont évolué dans une direction, alors qu'eux ont pris une autre tangente et vécu d'autres expériences.
Le retour sera plus difficile que le départ, car ce dernier était empreint de la fébrilité de la découverte de nouveautés. Le retour sera un choc qui demandera une réadaptation à la vie à la maison, au pays. Et ce choc, Sophie Dion le confirme. Pendant des semaines, elle se sentait un peu perdue, au point de parler plus souvent en anglais qu'en français. Une partie d'elle semblait demeurer encore en Australie.
Fin juillet, lorsque le groupe se dispersera, chacun ramènera avec lui, dans ses souvenirs et dans son coeur, une partie de Québec et des Québécois qui auront transformé leur vision du monde.