La matière grise se fait rare

Les salaires sont bons. Mais les recrues sont rares dans le secteur de la métallurgie. C'est le constat du déjeuner-causerie qui a réuni, hier matin, à l'Université Laval, hommes d'affaires, enseignants et hauts fonctionnaires d'un domaine qui procure au Québec 28 000 emplois dans 150 entreprises. Pour l'ex-directeur du Centre intégré de formation en métallurgie du Cégep de Trois-Rivières, Robert Bergeron, les débouchés sont là. «Le problème, c'est d'aller chercher la matière première [...], la matière grise.»


C'est au compte-gouttes que les inscriptions entrent au collège. Cette année, le programme, qui offre trois spécialisations, a accueilli 11 étudiants. Ils ne sont que huit en deuxième année. Les finissants de troisième année sont au nombre de 16. Pour les cinq jeunes qui termineront leur cégep en procédé de transformation, la rémunération moyenne initiale s'élève à 47 528 $. Quant au placement des finissants, il est de 100 %, rapporte Linda Nault, de l'institution trifluvienne.Pour Jean Simon, président de Rio Tinto Alcan pour l'Amérique du Nord, la pénurie de main-d'oeuvre, «ça nous rattrape déjà». Chez les PME, la situation lui apparaît inquiétante. Pour la grande entreprise, il n'y a pas de problème, dans l'immédiat, pour les «opérateurs» en usine, dit-il. «Nous offrons des salaires très compétitifs.»«Ça commence à être difficile pour les travailleurs de métier, poursuit-il. Là où ça accroche, c'est pour [attirer] les techniciens et les professionnels.»Dans le premier cas, constate le chef d'entreprise, les cohortes d'étudiants rétrécissent et la compétition pour recruter les jeunes s'intensifie entre les différents secteurs industriels. «Des techniciens, il en sort de moins en moins [des écoles spécialisées]. Quelque part, nous [l'industrie de la métallurgie] allons frapper un noeud.»Mais il n'y a pas une seule et unique raison pour expliquer la pénurie qui s'installe. Selon le dirigeant de Rio Tinto, une des explications tient au fait qu'il «y a de moins en moins de jeunes intéressés par les sciences». Peut-être faut-il parler de sciences, à tout le moins d'expériences scientifiques, dès le primaire, avance M. Simon.Le président chez Rio Tinto convient qu'une certaine imagerie populaire peut décourager d'éventuels candidats. Selon lui, l'image projetée est celle d'une industrie des années 40 ou 50. La situation a complètement changé, tant en termes d'utilisation des ressources qu'en matière de pollution, plaide-t-il.Professeur au département de métallurgie de l'Université Laval, René del Villar a soulevé le fait que la majoration importante des droits de scolarité des étudiants étrangers, imposée par le gouvernement québécois, agit comme un frein au recrutement. Laval compte une quarantaine de personnes inscrites au bac et une vingtaine à la maîtrise. «Les recrues sont rares», admet Richard Laplante, coordonnateur au programme coopératif en génie des mines, de la métallurgie et des métaux. «Mais personne ne peut dire exactement pourquoi. Il y a des actions de recrutement qui fonctionnent une année et pas l'année suivante.«C'est surtout le manque de connaissances sur le milieu, termine-t-il. Souvent, le vrai cercle d'influence [des jeunes], ce sont les parents, des amis, un ou deux professeurs. S'ils ne connaissent pas le milieu, ils ne peuvent les informer sur les possibilités de carrière.»mcorbeil@lesoleil.com7000Le nombre d'employés chez Rio Tinto Alcan au Québec80 000 $Le salaire moyen d'un ingénieur après deux ans