Sur quoi s'appuie le bras canadien?

Chaque dimanche, nous vous dirons tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur un phénomène scientifique, sans avoir... pensé le demander. Vous verrez, la science est partout, même là où vous ne la soupçonnez pas!


«Dans l'espace, il n'y a pas d'appui. Alors toute action du bras canadien doit nécessairement s'appuyer à la fois sur la masse de l'appareil auquel il est ancré et sur celle de sa charge. Y a-t-il un rapport de ces masses à partir duquel l'effet de la charge sur l'appareil est négligeable? Ou le problème se pose-t-il autrement?» demande Émery Marcoux, de Sainte-Marie de Beauce.La question de l'orientation de la Station spatiale internationale (SSI), sur laquelle le Canadarm² a été installé en 2001, est bel et bien un «problème» quotidien. Un problème facile à résoudre et pour lequel la station est munie de systèmes conçus spécialement pour cette raison, mais un problème tout de même.Comme le souligne notre lecteur, quand une partie d'un corps se met à bouger, il doit s'appuyer sur quelque chose; autrement, le reste du corps qui sert d'appui subit un mouvement inverse. On n'a qu'à imaginer, pour s'en convaincre, une motocross filant dans les airs, tout juste après avoir pris un saut : si le pilote, par mégarde, donne un coup d'accélérateur à ce moment précis, le mouvement de la roue arrière (dans le vide) exercera une force inverse sur le reste du bolide, et notre casse-cou atterrira sur le dos (voir notre figure).De la même façon, toute manoeuvre effectuée par le Canadarm² doit s'appuyer sur la SSI et change nécessairement son orientation. Pas nécessairement par beaucoup, puisque cette dernière a une masse d'environ 300 000 kilogrammes, ce qui ne se tourne pas aisément. Mais le bras robotique en pèse lui-même 1800 et peut manipuler les charges de 116 000 kg, sans compter que ses 17,6 mètres de longueur lui fournissent tout un bras de levier...Or, comme nous l'a écrit Mathieu Caron, contrôleur de mission à l'Agence spatiale canadienne, lors d'un échange de courriels, il est important que la «SSI [maintienne] son orientation par rapport au Soleil et à la Terre afin que ses antennes de communication demeurent pointées vers les satellites de relais et que ses panneaux solaires soient constamment orientés vers le Soleil».Pour ce faire, dit-il, la Station compte sur des propulseurs orientables et sur quatre gyroscopes, c'est-à-dire des «roues tournant à vitesse constante avec lesquelles on peut changer l'orientation de la station en bougeant leur axe de rotation [... de la même façon que] si un motocycliste fait un saut et tourne la roue avant vers la gauche lorsqu'il est dans les airs, le reste de la moto ressentira une réaction égale et opposée vers la droite».Ces gyroscopes, précise M. Caron, «permettent un contrôle beaucoup plus en douceur que les propulseurs [... qui] peuvent induire des vibrations que l'on peut observer par le déplacement des charges au bout du bras de l'ordre de plusieurs centimètres! On limite donc l'utilisation de ces propulseurs lorsque l'extrémité du Canadarm² ou sa charge utile sont près des modules et autres structures de la station.«Par exemple, lors de l'installation du module de ravitaillement Leonardo au cours de la mission STS-128 en août dernier, l'équipe au sol responsable des opérations robotiques et celle responsable du maintien de l'orientation de la station durent travailler étroitement ensemble afin de s'assurer que les systèmes robotiques et ceux contrôlant l'orientation de la station fonctionnent de concert tout au long de l'opération.»Ajustements réguliersCes ajustements doivent être faits régulièrement, car les manoeuvres du Canadarm² ne sont pas les seuls facteurs qui inclinent l'orientation de la SSI. Bien que l'atmosphère soit extrêmement ténue à l'altitude de 350 km où file la station - environ un million de fois moins dense qu'au niveau de la mer - , la toute petite quantité de gaz restante n'en offre pas moins une petite résistance au passage de la SSI. Et comme celle-ci n'a pas une forme symétrique, le frottement est un peu plus fort d'un côté (celui des immenses panneaux solaires) que de l'autre, ce qui fait tourner la SSI petit à petit.D'autres facteurs, écrit M. Caron, peuvent avoir le même genre d'effet, comme «le mouvement des panneaux solaires et radiateurs, l'arrivée et le départ de capsules et navettes, l'activité des astronautes lors de sorties extravéhiculaires, de même que la variation [infime, mais non négligeable] de l'attraction gravitationnelle avec l'altitude».jfcliche@lesoleil.comDes questions?Vous vous posez des questions de nature scientifique sur le monde qui vous entoure? Envoyez-les-nous à opinion@lesoleil.comQu'elles concernent la physique, la biologie, les sciences humaines ou toute autre discipline, nos journalistes se feront un plaisir d'y répondre dans cette rubrique.Autre sourceTONY PHILLIPS. «Solar Activity Puffs Up Earth's Atmosphere», Science@NASA, 2000, http://science.nasa.gov/headlines/ y2000/ast30may_1m.htm