Un long fleuve tranquille

Année après année, le transport maritime s'intensifie sur le Saint-Laurent. Mais il ne faut pas s'attendre à une progression fulgurante, malgré ses atouts environnementaux. Ni à un solide coup de main du gouvernement pour imposer ce mode transport.


À la veille de participer à la Journée maritime, qui réunit aujourd'hui, à Québec, 150 représentants de l'industrie maritime, le ministre québécois responsable du dossier, Norman MacMillan, s'est félicité des perspectives qui s'ouvrent dans ce domaine.De 2000 à 2020, le trafic sur le Saint-Laurent doit croître de 40 %, à l'échelle mondiale. Le ministère québécois des Transports ne dispose pas de détails sur ce qui se passe sur le grand fleuve, si ce n'est que le total de marchandises y est passé de 100 millions de tonnes, en 2000, à 120 millions de tonnes, en 2008.En entrevue, le ministre MacMillan prend soin de signaler que la récession ne manquera pas de faire baisser les chiffres pour 2009. La tendance haussière reprendra à coup sûr, poursuit le politicien. D'ici cinq ans, la progression devrait être de 15 %.Des études ont souligné l'avantage environnemental de recourir aux navires. Selon Plan Saint-Laurent 2004, pour transporter les marchandises, les bateaux émettent près de 25 fois moins de gaz à effet de serre que les camions. Pourtant, signale le même document, «à l'exception du mode maritime, tous les autres modes [l'avion, le train et le camion] sont susceptibles de connaître une croissance substantielle de leurs activités» au Canada.Norman MacMillan insiste sur le fait que son gouvernement a mis sur pied trois programmes qui peuvent profiter au secteur maritime. Les budgets et les sommes dépensées ne sont pas énormes, a constaté Le Soleil.L'aide «à l'intégration modale» a versé 6 millions $ pour 26 projets dans le secteur maritime. Lancé en mai 2008, un plan pour réduire les gaz à effet de serre a avancé 3 millions $ pour un projet à Sept-Îles. Le programme d'efficacité énergétique vient de démarrer et la sélection des projets n'a pas été effectuée.Le député-ministre de Papineau à l'Assemblée nationale laisse entendre qu'il n'a pas l'intention de fausser les règles du marché et de privilégier le maritime. Il croit que ce secteur a sa part. Le recours à l'un ou à l'autre moyen de transport «c'est le choix des gens. Cela dépend de ce qui coûte le moins cher, de ce qui est le plus pratique.»M. MacMillan glisse que l'industrie du camionnage, si elle représente une source de pollution pour les changements climatiques, a aussi accès à des mesures pour réduire ses rejets. «Il y a un problème. Mais on le gère. On aide les camionneurs à réduire les gaz à effet de serre», notamment en abaissant la limite de vitesse des poids lourds. «On ne peut pas les empêcher de gagner leur vie.»Les Armateurs du Saint-Laurent, un des deux groupes qui organisent la Journée maritime, dénotent un manque de volonté politique. «Le ministère a toujours eu une attitude de neutralité modale», résume Nicole Trépanier, directrice générale de l'association défendant les intérêts des armateurs de navires battant pavillon canadien. «Il y a des programmes. Il y a un intérêt. Mais les Transports ne veulent pas dire qu'ils poussent» en faveur du transport maritime pour ce qui est de l'environnement.Paradoxalement, le transport maritime risque de souffrir davantage des changements climatiques. Transports Canada a rapporté que des prévisions scientifiques laissent croire que le niveau d'eau pourrait baisser de 1,25 mètre dans le port de Montréal.Le ministre MacMillan refuse de prédire si cela remettra en question l'utilisation de certains navires. «Nous n'en sommes pas là», fait-il, rassurant. La directrice générale des Armateurs indique que l'abaissement du niveau d'eau ne se posera qu'à l'ouest du lac Saint-Pierre, au port de Montréal. L'industrie s'adaptera, a-t-elle signifié.