Beaucoup d'argent perdu

Alors que Québec cherche désespérément des terrains à développer, les stations- service abandonnées qui défigurent la capitale seraient logiquement des cibles de choix en raison de leur emplacement. Mais la Ville se refuse à investir l'argent des contribuables pour décontaminer des terrains «qui appartiennent à des multinationales milliardaires». Quitte, en plus, à perdre d'importants revenus.


«On s'est souvent posé la question, et la réponse est non», explique le conseiller municipal François Picard, vice-président à l'exécutif. «On sait qu'on perd des revenus.»Pas moins de 27 des 44 stations désaffectées de Québec sont polluées aux hydrocarbures. La valeur inscrite au rôle d'évaluation est alors nominale (1 $ ou 100 $) parce que le coût de dépollution, qui atteint parfois quelques centaines de milliers de dollars, est supérieur à la valeur marchande du terrain. La Ville se dit incapable d'évaluer cette perte de revenus, année après année. Celle-ci est double, puisqu'il n'y a aucune construction sur les terrains qui en ferait augmenter la valeur.Québec peut compter sur une enveloppe de 5 millions $, sur trois ans, pour décontaminer grâce au programme provincial ClimatSol. «On y va à la pièce», signale M. Picard.Dans le cas de fermetures après 2003, les pétrolières doivent décontaminer sans délai, à leurs frais. Ce qui a permis, par exemple, la construction d'immeubles de logements par des promoteurs au 105, chemin Sainte-Foy, en face de l'école Joseph-François-Perrault, ou de tours à bureau sur le boulevard Laurier. Un cas intéressant : la station coin Myrand-René-Lévesque a fermé en 2000, mais a été entièrement décontaminée par Shell, puis vendue pour la construction de condominums. «On soupçonne que la valeur du terrain surpassait celle de la décontamination», croit M. Picard.Reste que sur les 12 stations fermées après 2003, sept ne répondent pas aux normes de contamination du zonage où elles sont situées. Dans le cas des 32 fermées avant 2003, une vingtaine sont non conformes.Mais même avec des terrains remis en état, les pétrolières ne sont pas toujours pressées de vendre, pour des raisons spéculatives. M. Picard craint d'ailleurs d'autres fermetures dans un avenir rapproché. La région vend moins de litres d'essence par automobile dans ses quelque 300 stations-service que dans le reste du Canada. «La marge sera bientôt insuffisante.» D'autant plus si Cosco réussit à implanter des stations et à faire chuter les prix. Les terrains entourés de blocs de béton risquent de se multiplier.Pour ce qui est des stations désaffectées avant 2003 et qui empêchent la revitalisation de certains secteurs, la Ville de Québec voudrait que la loi 72, basée sur le principe du pollueur-payeur, soit étendue, «peu importe l'année. On fait des pressions sur Québec et les pétrolières. Le gouvernement doit nous écouter et pas seulement les pétrolières qui font leur lobbying».emoreault@lesoleil.com44 stationsabandonnées sur le territoire de Québec27 stationspolluées aux hydrocarbures