L'utilité des cours de conduite mise en doute

Plusieurs études réalisées dans le monde montrent en effet que les parents ont beaucoup d'influence sur le comportement de leurs enfants au volant et que les styles de conduite se transmettent de génération en génération, particulièrement de père en fils et de mère en fille.

Inutiles, les cours de conduite? De nombreuses études suggèrent que les cours de conduite n'améliorent pas le bilan routier. Mais la ministre des Transports, Julie Boulet, fait le pari que la révision du contenu des cours, basés sur les «comportements plutôt que les compétences», leur donnera tort.


Lorsqu'elle a déposé son rapport à la ministre Boulet, en 2007, la Table québécoise de la sécurité routière n'avait pas recommandé d'inclure des cours de conduite obligatoires. Plusieurs experts en sécurité routière et la SAAQ, notamment, s'opposaient à cette mesure dont la pertinence avait été malmenée par les experts, explique le président de la Table, Jean-Marie De Koninck, qui appuie personnellement l'obligation.

«Eux, ils connaissaient la littérature scientifique là-dessus qui disait que de prendre un cours ou de ne pas en prendre, dans l'expérience qu'on en avait dans différents pays, ça n'avait pas d'incidences sur le nombre d'accidents dans lequel un jeune allait être impliqué plus tard. C'est pour ça que la SAAQ les avait supprimés, d'ailleurs, en 1997.»



Règles de comportement

La ministre Julie Boulet avait tout de même décidé d'aller de l'avant avec les cours de conduite obligatoires, espérant réduire le nombre d'accidents mortels sur les routes du Québec, dont près de la moitié impliquent des jeunes de moins de 24 ans.

«À l'époque où un cours de conduite, ça signifiait “apprendre à conduire”, ça n'avait peut-être pas d'effet sur le bilan routier,

explique Audrey Chaput, porte-parole de la SAAQ. Mais le nouveau cours de conduite va permettre d'apprendre à “se con­duire” sur la route. Donc, ce n'est pas juste d'apprendre à démarrer une voiture et faire un stationnement en parallèle. C'est toutes les règles qu'il faut connaître pour être un bon conducteur.»



Le spécialiste en sécurité routière Guy Paquette, de l'Université Laval, ne croit pas que ce changement d'approche permettra d'améliorer le bilan routier. «Le gros problème, à mon avis, c'est que développer des attitudes, c'est beau, mais c'est le même problème qu'on a quand un jeune se présente à la SAAQ pour passer son examen pratique, dit-il. C'est certain qu'un jeune qui a tendance à prendre des risques ne va certainement pas le manifester en présence de l'examinateur. Il va la jouer cool, il va la jouer douce, et quand il va obtenir son permis, très clairement, il va exprimer davantage ses vrais comportements, ses vraies façons de voir la route.

«Je ne dis pas que les cours seront totalement inutiles, poursuit-il, mais je ne pense pas qu'ils vont transformer la situation. On n'a pas réussi ailleurs dans le monde à y parvenir. Ce qui a donné les meilleurs résultats jusqu'ici - et le Québec fait partie du peloton de tête - c'est l'accès graduel à la conduite qui a permis d'améliorer sensiblement le bilan routier.»

Selon le professeur Paquette, la conséquence la plus négative des cours de conduite obligatoires sera de déresponsabiliser les parents. Sans doute nombreux à devoir assumer la hausse du prix des cours, ils s'en remettront davantage aux écoles de conduite. «Ils vont se dire : “Je paie assez cher, que ces gens-là fassent leur travail, après tout, ce sont eux les spécialistes”.»

Plusieurs études réalisées dans le monde montrent en effet que les parents ont beaucoup d'influence sur le comportement de leurs enfants au volant et que les styles de conduite se transmettent de génération en génération, particulièrement de père en fils et de mère en fille.