Centres jeunesse: le réseau défendu bec et ongles

Danièle Dulude, directrice du Centre jeunesse de Laval et représentante de l'Association des centres jeunesse, soutient que l'étude du Dr Richard E. Tremblay a été réalisée surtout auprès de cas très lourds, qui ne sont probablement pas représentatifs de l'ensemble de la clientèle des centres jeunesse.

Le réseau des centres jeunesse défend bec et ongles le modèle développé au Québec, malgré les résultats d'une vaste étude qui conclut plutôt que ces centres stimulent la délinquance chez les adolescents.


«Au Québec, on a un modèle très performant et on en est fier. Depuis 10 ans, le nombre de crimes graves commis par des jeunes est en baisse», affirme Danièle Dulude, directrice du Centre jeunesse de Laval qui s'est entretenue avec Le Soleil à titre de représentante de l'Association des centres jeunesse.

Mme Dulude réagissait à un article publié un peu plus tôt cette semaine dans nos pages qui rapportait les résultats des travaux de l'équipe du Dr Richard E. Tremblay, psychologue et professeur à l'Université de Montréal (UdM).



Pendant 20 ans, des chercheurs de l'UdM ont suivi une cohorte de près de 800 jeunes issus des quartiers les plus pauvres de Montréal. Leur constat : les centres jeunesse ne contribuent pas à faire diminuer la délinquance. Bien au contraire. «Plus l'aide fournie par le système judiciaire pour les jeunes était intense, plus les résultats étaient négatifs», a expliqué le Dr Tremblay. Le principal problème : l'idée de regrouper ensemble plusieurs jeunes dans un centre jeunesse, puisque les comportements délinquants seraient contagieux, a expliqué le chercheur.

Mais ces résultats n'ébranlent pas la foi de Mme Dulude envers le réseau des centres jeunesse, créé il y a maintenant 30 ans. «Ce réseau, c'est un fleuron pour le Québec. Nous avons décidé d'écarter l'approche punitive [que l'on trouve ailleurs au Canada] et ça donne des résultats», dit-elle. Selon les statistiques du ministère de la Santé et des Services sociaux, la criminalité juvénile a connu une baisse de 4 % en 2006 au Québec pendant qu'au Canada, elle augmentait de 3 %.

Mme Dulude rappelle que l'étude a été réalisée surtout auprès de cas très lourds, qui ne sont probablement pas représentatifs de l'ensemble de la clientèle des centres jeunesse. «C'est sûr qu'il y a un bon bassin qui va continuer à commettre des gestes délinquants, même après leur passage en centre, affirme-t-elle. Mais l'étude ne dit pas ce qui se serait passé avec ces jeunes si on n'était pas intervenu. Est-ce qu'ils auraient commis des gestes encore plus graves?»

Il n'existe pas de statistiques permettant de chiffrer le taux de réhabilitation des jeunes après leur passage en centre jeunesse, selon leur association. Mais les success stories sont nombreux, indique Mme Dulude.



Du côté du cabinet de la ministre déléguée aux Services Sociaux, Lise Thériault, personne n'avait encore pris connaissance des résultats détaillés de l'étude cette semaine. «C'est sûr qu'on va se pencher sur ces résultats et qu'on va les analyser», a indiqué son attaché de presse, Harold Fortin. Ce dernier a aussi tenu à affirmer que le réseau développé au Québec avait fait ses preuves et qu'il est reconnu comme un modèle dans le reste du Canada.

Mais cette étude vient jeter une ombre sur cette «réussite». Pour combler les lacunes, le Dr Tremblay propose de miser davantage sur l'intervention dès la petite enfance, un principe auquel souscrit l'Association des centres jeunesse. «Mais il y en a toujours qui vont passer entre les mailles du filet», rappelle Mme Dulude.

Pour l'année 2008-2009, le gouvernement québécois a alloué 735 millions $ au réseau des centres jeunesse.