Les enfances volées d'Afrique

Le Congolais Athanase Rwamo tente depuis 20 ans d'aider les enfants de la région des Grands Lacs.

Orphelins du sida, enfants soldats, enfants de la rue. La région des Grands Lacs, en Afrique, compte un nombre aussi imposant que triste de ces jeunes aux vies bien mal parties. Mais avec l'appui de donateurs, dont certains Canadiens, le Congolais Athanase Rwamo tente de rescaper certaines d'entre elles.


«C'est une goutte d'eau dans l'océan, admet-il. Mais voir un enfant quitter la rue, se prendre en charge, se marier, travailler... Bref, en faire un homme responsable, c'est ça qui nous comble.»

Coordonnateur sous-régional de plusieurs associations d'aide à l'enfance au Burundi, au Rwanda et en République démocratique du Congo (RDC), Athanase Rwamo était de passage à Québec récemment lors d'un déjeuner-conférence organisé par l'organisme canadien L'Aide internationale à l'enfance (L'AMIE). Voilà maintenant tout près de 20 ans qu'il tente d'aider les jeunes grâce à divers programmes : formation professionnelle, écoute, hébergement, réunification familiale, activités lucratives et même assistance juridique.



Il faut dire que l'envergure des moyens est à l'image des besoins : vaste. Car les enfants des Grands Lacs vivent – ou survivent – dans une classe à part, affectés qu'ils sont par les pires fléaux imaginables, et ce, dans des proportions inégalées ailleurs dans le monde.

Pour commencer, le Burundi, le Rwanda et la RDC ont tous été durement frappés par la guerre, sinon par le génocide. En RDC seulement, où près de la moitié de la population a moins de 18 ans, 6,6 millions de personnes ont été tuées, et 3,4 autres millions déplacées depuis la fin des années 90. «Une situation qui fait beaucoup d'orphelins traumatisés», indique Rwamo. Au Burundi voisin, c'est 10 % de la population qui est orpheline.

Les traumatismes sont aussi le lot du million d'orphelins du sida que comptent les trois pays. «Comme ils ont assisté à la maladie de leurs parents, ils nous arrivent dans des conditions lamentables. Ces enfants doivent être détraumatisés», explique le Congolais.

Enfants soldats



Les 30 000 enfants soldats que l'on trouve en RDC seulement posent quant à eux un défi bien particulier à Athanase Rwamo et à son réseau d'aide. «Nous devons nous en occuper à part, car avec les substances toxiques qu'ils ont dans le corps, ils s'excitent vite, ils ne discutent jamais. Il a déjà fallu 40 policiers pour séparer d'anciens enfants soldats d'autres orphelins. Les esprits s'étaient échauffés, et ils s'étaient souvenu de l'emplacement d'une cache d'armes. Quelques minutes plus tard, ils revenaient avec des mitraillettes entre les mains. Ces jeunes doivent complètement réapprendre à vivre en communauté», explique-t-il.

De façon plus silencieuse, mais tout aussi ravageuse, l'extrême pauvreté vient elle aussi détruire les ménages et jeter les enfants à la rue. «Les parents partent à la recherche de revenus et, parfois, ne reviennent pas. C'est sauve-qui-peut! L'aîné se retrouve alors seul pour s'occuper des plus jeunes. Chez nous, les enfants ont des devoirs. Pas des droits», résume Rwamo.

Contre l'adoption

Devant le désir de parents occidentaux de tirer ces enfants de la misère grâce à l'adoption, le coordonnateur refuse pourtant de s'engager dans cette voie. Il ne s'agit pas, selon lui, d'une aide efficace, quoi qu'en pensent les Madonna, Angelina Jolie et Brad Pitt de ce monde.

«Nous, on évite les adoptions. Les procédures sont beaucoup trop longues. Pendant ce temps, nous n'aidons pas les autres. En plus, adopter, c'est enlever l'enfant à sa communauté d'origine pour l'enraciner ailleurs. Ce n'est pas évident», conclut-il.