De plus en plus de profs en congé de maladie

«J'ai décidé de laisser tomber avant d'y passer.» Un enseignant de mathématiques au secondaire, que nous appellerons Michel, a fait trois burn-out avant d'accrocher définitivement ses patins, après 31 ans d'enseignement.


Des ados qui l'envoient promener en classe, d'autres qui ne font pas le moindre effort, des groupes de plus en plus faibles... C'en était trop. Une solide prise de bec avec un de ses élèves a été la goutte qui a fait déborder le vase. «L'élève m'a carrément envoyé promener et il n'a eu aucune sanction. Je suis retourné en classe et je n'en pouvais plus. J'étais complètement vidé. J'ai toujours enseigné avec mes tripes plutôt que ma tête. Je ne pensais qu'à ça.»

Michel est loin d'être le seul à s'être retrouvé sur le carreau, brisé par l'épuisement professionnel. Selon les plus récentes statistiques du ministère de l'Éducation obtenues par Le Soleil, les congés de maladie sont toujours en progression dans les rangs des enseignants. En six ans, le nombre de journées de maladie a grimpé de 12 %, alors que le nombre d'enseignants a augmenté de seulement 2 % au cours de la même période.



Pour l'année 2007-2008, les enseignants ont accumulé 403 000 jours de maladie, un sommet depuis les dernières années. En 2002-2003, ce nombre s'élevait à 360 300 journées. Ces chiffres concernent les congés de maladie de longue durée, ce qui exclut les six journées de maladie annuelles auxquelles ont droit les enseignants, qui peuvent aussi être utilisées pour des obligations parentales. Les absences prolongées des profs ont coûté 90 millions $ l'an dernier au ministère de l'Éducation.

L'intégration des élèves en difficulté dans les classes régulières peut expliquer la situation, affirme la Fédération des syndicats de l'enseignement, qui a déjà dénoncé la situation à maintes reprises. «Il ne faut pas se surprendre de ces chiffres. On est allé à la limite de ce qu'on peut demander aux enseignants», affirme sa présidente, Manon Bernard.

Avec la réforme, en vigueur dans les écoles du Québec depuis 2000, les professeurs ont connu plusieurs bouleversements, rappelle-t-elle. Les responsabilités des professeurs ont augmenté, puisqu'ils sont appelés à participer à plusieurs comités au sein de leur école, en plus de leurs tâches d'enseignement.

Santé mentale



Ces statistiques corroborent celles de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), transmises au Soleil en février, qui indiquaient que le taux d'absentéisme avait atteint un sommet depuis huit ans. Ces données concernaient les enseignants, mais aussi les professionnels et le personnel de soutien des commissions scolaires. Selon la FCSQ, les congés de maladie liés à des problèmes de santé mentale — épuisement professionnel, dépression, anxié­té — comptent pour 46 % des absences.

Certains profs s'épuisent à petit feu, alors que d'autres prennent un congé forcé de façon plus brutale. C'est le cas de Sophie (nom fictif), enseignante au primaire en adaptation scolaire, qui a dû prendre congé en avril dernier, après avoir subi de la violence psychologique et de l'intimidation de la part des parents d'un de ses élèves. «Je me suis fait traiter de tous les noms, c'était vraiment brutal et dégradant», dit-elle.

En attendant de décider si elle retournera bel et bien en classe l'an prochain, Sophie s'est trou­vé un boulot dans la restaura-tion rapide.