Élèves en difficulté dans les classes régulières: non à l'intégration à tout prix

Il est faux de prétendre que la majorité des parents tiennent à l'intégration «à tout prix» de leur enfant en difficulté en classe ordinaire.

Carole Tardif, mère d'une jeune trisomique de 13 ans, se réjouit d'avoir trouvé «le meilleur des deux mondes» pour sa fille. Zoé fréquente une classe spéciale au secondaire, en compagnie de sept autres élèves.


Grâce à des activités réalisées avec des élèves du programme d'éducation internationale pendant l'heure du dîner, sa fille est intégrée à la vie de l'école. «C'est important pour eux de faire partie de la vraie vie. Ces enfants-là ne doivent pas être réduits à "ceux qui sont à part dans une classe"», dit-elle.

Mme Tardif, qui est aussi présidente de l'Association pour l'intégration sociale de la région de Québec (AISQ), milite pour l'intégration des élèves handicapés ou en difficulté dans les classes régulières. Mais elle convient qu'il y a des limites à l'intégration «à tout prix».



«Je comprends les enseignants, dit-elle. Les profs sont formés pour enseigner, pas pour faire de l'éducation spécialisée. Ça prend des professionnels pour les aider.» Le Soleil publiait hier une série d'articles où des enseignants, à bout de souffle, racontaient leur quotidien. Dans certains cas, plus de la moitié des élèves sont en difficulté dans leur classe, qu'ils soient handicapés ou aux prises avec un trouble d'apprentissage, d'attention ou de comportement.

L'AISQ et Autisme Québec ont d'ailleurs fait parvenir, l'an dernier, une lettre à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, à ce sujet. «Il est faux de prétendre que la majorité des parents tiennent "à tout prix" à l'intégration de leur enfant handicapé ou en difficulté en classe ordinaire, peut-on lire. Personne ne prône l'intégration "à tout prix" et certainement pas les parents. Continuer d'intégrer les enfants en classe ordinaire dans les conditions actuelles, c'est organiser les services pour en démontrer l'impossibilité. On contrevient certainement aux droits des autres élèves, mais aussi à ceux de l'élève intégré, puisque les conditions sont tellement défavorables à sa réussite.»

Un an plus tard, peu de choses ont changé dans les classes, malgré les millions supplémentaires investis, constate l'AISQ. «On ne sait pas comment cet argent est dépensé, affirme Mme Tardif. Pour nous, ce n'est pas un problème d'argent, mais plutôt d'organisation scolaire. Le portrait est vraiment différent, d'une école à l'autre.»

La position est semblable du côté de l'Association québécoise des troubles d'apprentissage. «La solution, ce n'est pas nécessairement d'ajouter des millions, affirme sa directrice générale, Monique Chemarin. Il faut plutôt évaluer ces enfants le plus tôt possible et intervenir rapidement pour éviter que les problèmes ne s'aggravent.»



Le dialogue avec les parents permet aussi de régler bien des problèmes. Valérie (nom fictif), mère de deux filles, a dû intervenir auprès de la direction de l'école. Sa plus jeune, en troisième année, était constamment dérangée par un enfant autisme qui était intégré dans sa classe. «Ma fille me disait qu'elle n'était plus capable de se concentrer parce qu'il dérangeait tout le temps en classe», raconte-t-elle.

Après en avoir parlé avec l'enseignante et le directeur, l'enfant autiste a eu droit à deux fois plus de temps en compagnie d'une éducatrice spécialisée. Une solution qui a fait le bonheur de tous.