Benoît XVI: une déclaration «malheureuse et tragique»

Malgré la controverse — et la chaleur apparente —, le pape Benoît XVI a poursuivi son voyage comme prévu au Cameroun.

«La déclaration de Benoît XVI concernant le port du préservatif est malheureuse et tragique.» En plus d'être déconnectée de la réalité, elle risque de mettre en péril plusieurs années de travail, estime Maria De Koninck, professeure au département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval.


Profondément déçue, la chercheuse estime que les femmes seront les premières à payer pour cette prise de position «rétrograde» du représentant du Vatican. Une façon de voir qui n'est que le prolongement de celle sur la contraception, note-t-elle.

«Souvent, les femmes (africaines) n'ont pas le pouvoir de refuser les relations sexuelles, que ce soit dans le mariage ou à l'extérieur.» Ainsi, le seul moyen qu'elles ont de se protéger du VIH–sida c'est l'utilisation du préservatif. Et ce, quand  elles réussissent à convaincre leur partenaire d'en utiliser un, ajoute-t-elle.



Aussi, en affirmant que la distribution de préservatifs «aggravait» la situation, Benoît XVI a donné des raisons de plus aux hommes de refuser de se protéger. «Et que dire des jeunes filles qui ne comprennent pas trop ce qui se passe?» Elles hésiteront peut-être davantage à exiger le port du condom si elles craignent d'avoir le sida en l'utilisant, prévient celle qui a mené d'importantes études sur le sujet en Afrique.

«Il (le pape) n'a pas précisé ses propos qui sous-entendaient sûrement que la distribution de condoms encourageait les gens à avoir des relations sexuelles, dit-elle. Mais ce n'est pas tout le monde qui peut le comprendre ainsi.»

Cette position contraint aussi les membres de l'Église qui pratiquent dans ces pays. Connaissant leur milieu, ils peuvent parfois adopter une attitude plus ouverte. Mais, avec cette déclaration, ils devront être plus stricts, craint-elle.

Ainsi, la question qu'il faut se poser maintenant est de savoir s'il y a encore une écoute là-bas. À cela, elle répond par l'affirmative. Dans certains milieux, dans certaines régions, la religion est encore forte et il risque d'y avoir de graves impacts.



«Qu'une personne en autorité morale comme le pape fasse des déclarations comme celles-là, ça peut nous amener à connaître d'importants reculs. Et ce, pour des efforts qui sont menés depuis des années à la prévention de la propagation de l'épidémie, déplore-t-elle. C'est très décevant pour tous ces travailleurs acharnés.»

L'enjeu, c'est la vie

Ainsi, elle croit que Benoît XVI devra assumer la responsabilité de ce qui viendra. «Il a une grande responsabilité sur les épaules. S'il y a du recul dans la lutte au sida, il devra se sentir responsable», ajoute-t-elle.

La position prise aura des impacts majeurs sur la santé et sur la survie d'Africaines et d'Africains. «L'enjeu ici, c'est la vie. La vie de femmes et d'hommes. Ils (le Vatican) devraient défendre ça!»