Selon une étude menée par l'ex-patron de la Standard Life, Claude Garcia, privatiser Hydro-Québec pourrait rapporter plus de 10 milliards $ par année dans les poches des Québécois.
Hier, M. Garcia a dévoilé un document étoffé de près de 100 pages qui va très loin sur une vente éventuelle des éléments d'actif de la société d'État au privé.
D'après M. Garcia, Hydro-Québec demeure inefficace en termes de rentabilité en raison d'une réglementation trop rigide concernant les tarifs (6,1 milliards $), d'une productivité déficiente à l'interne (2 milliards $) et d'un généreux programme de subventions aux alumineries (2 milliards $). Résultat : le manque à gagner annuel se chiffrerait à plus de 10 milliards $.
Une fois vendue au privé, la nouvelle Hydro-Québec redistribuerait une redevance annuelle d'environ 2 milliards $ au gouvernement du Québec. Cette redevance passerait sur 10 ans à plus de 8 milliards $ par année.
Évidemment, en retour d'une privatisation, les tarifs d'électricité des Québécois monteront en flèche. De combien? Selon les forces du marché, dit Claude Garcia, qui demeure très vague sur le sujet. Autrement dit, les Québécois doivent s'attendre à voir le prix de chaque kilowattheure, qu'il paie en ce moment 7,33 ¢, doubler, voire même tripler en moins de 10 ans.
Pour amortir ce choc éventuel des tarifs, Claude Garcia propose notamment que chaque client résidentiel se voie octroyer gratuitement 110 actions de la nouvelle Hydro-Québec.
Cette inscription en Bourse aurait également du bon pour le gouvernement du Québec puisqu'il encaisserait au passage 25 milliards $ de la vente progressive de ses actions de la défunte société d'État.
En tout, l'avoir de la nouvelle Hydro-Québec serait divisé en 2 milliards $ d'actions ordinaires. Aucun actionnaire ne pourrait détenir plus de 10 % du total des titres en circulation alors que le siège social de la nouvelle entreprise devra rester à Montréal.
Le rôle de la Régie de l'énergie dans tout cela? Le tribunal réglementaire ne contrôlerait plus les tarifs sur la base d'un modèle de coûts, mais à partir d'un modèle de performance. La Régie veillerait à ce que les consommateurs d'électricité du Québec puissent choisir le meilleur fournisseur disponible dans un monde de concurrence afin de ne pas remplacer un monopole d'État par un monopole privé.
Alors, on achète? Pas vraiment, convient le professeur d'économie à HEC Montréal, Louis-Olivier Pineau. Car selon lui, le «problème» d'Hydro-Québec n'est pas de la privatiser, mais bien de mieux réglementer la grille des tarifs.
Autrement dit, le professeur expert en énergie doute de la médecine de cheval préconisée par Claude Garcia. «On pourrait arriver à générer autant d'argent de la part d'Hydro-Québec sans la privatiser», estime-t-il.
À commencer par la redevance sur l'eau que le gouvernement du Québec perçoit sur chaque kilowatt produit par Hydro-
Québec et les petits producteurs privés d'électricité. À l'heure actuelle, cette redevance s'élève 0,33 cent du kilowatt.
M. Pineau croit que cette redevance pourrait être doublée, voire triplée facilement pour générer davantage d'argent dans les coffres de l'État québécois. «Il est clair que les bénéfices d'Hydro-Québec sont bas en ce moment en raison des bas tarifs. Alors, pourquoi vendre Hydro-Québec à rabais? Ce n'est pas vraiment le temps», fait-il valoir.
Louis-Olivier Pineau indique également que l'énergie produite par Hydro-Québec prendra de la valeur au cours des prochaines années en raison des basses émissions de gaz à effet de serre (GES) émanant des centrales hydroélectriques de la société d'État.
Et si Québec offrait un bloc d'actions (10 %) d'Hydro-Québec aux Québécois? «Mais pourquoi, se questionne M. Pineau, puisque la société d'État appartient déjà aux Québécois. Les profits reviennent dans le fonds consolidé de l'État pour payer les services offerts aux citoyens. Ce serait, il me semble, du pareil au même.»